Le 16 juillet 1995, dans un discours prononcé pour le 53e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, le président Chirac affirma la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs1. Une responsabilité d’autant plus grave que le 16 juillet 1942 — date de la rafle — tout le monde aurait su que les Juifs déportés partaient vers les « camps de la mort ». L’historien de la Shoah Joël Guedj écrit:
Dès le 1er juillet 1942, la BBC diffuse en français des informations sur le massacre de 700 000 juifs polonais. Le sort des Juifs arrêtés en France fait immédiatement l’objet d’articles dans la presse clandestine2.
Pierre Laval et le maréchal Pétain auraient donc sciemment envoyé des Juifs vers les chambres à gaz.
Cette accusation relève de la calomnie. Certes, en 1942, des bruits couraient, qui évoquaient une extermination des Juifs. Le nombre de « six millions » revenait souvent. Mais les Alliés eux-mêmes n’y croyaient pas, car tout démontrait qu’il s’agissait de rumeurs. Pour bien le comprendre, une remise dans le contexte s’impose.
Les « six millions »: un chiffre sacré pour les Juifs
Depuis les années 1890, la presse américaine ne cessait de lancer des appels pour secourir les « six millions » de Juifs — russes principalement — victimes de l’antisémitisme, de la faim, de la misère…3 Pourquoi ce nombre revenait-il sans cesse?
La réponse se trouve dans la version en hébreu du Lévitique. Au chapitre 25, le dixième verset déclare4: « vous sanctifierez la cinquantième année […] vous retournerez chacun dans sa possession, et chacun retournera dans sa famille. »
S’agissant d’un retour au pays, aux yeux des Juifs, ce verset avait acquis un caractère prophétique: il aurait prédit le retour en Terre d’Israël. Dans ce passage toutefois, le mot « retour » était écrit de façon inhabituelle: sans la lettre vav.
Or, cette lettre correspond au chiffre six. Certains commentateurs juifs en déduisaient que le retour au pays s’effectuerait sans ce 6, ce qui pouvait se traduire par « sans six millions », c’est-à-dire après la mort de six millions d’entre eux.
Voilà pourquoi, espérant en la réalisation prochaine de cette prophétie, les Juifs ne cessaient d’invoquer ce nombre de six millions5.
1940: les premières rumeurs sur une extermination de six millions de Juifs
Reprenant la dialectique de ses prédécesseurs, en mai 1939, un militant juif, Marvin Lowenthal, parla de « six millions de Juifs » qui, en Europe, auraient été menacés par une « guerre sainte d’extermination« 6.
Début février 1940 la presse américaine prétendit que les Allemands déportaient les Juifs dans la région de Lublin pour les assassiner par affamement7. Une semaine plus tard, toutefois, les autorités du Reich démentirent. Le gouverneur de Pologne, Hans Frank, confirma l’arrivée de nombreux Juifs dans ce pays; il expliqua qu’Hitler souhaitait en faire un territoire pour Juifs, car il y avait toujours eu plus de Juifs en Pologne que dans les autres États8.
Sans surprise, ce démenti fut impuissant à faire cesser la propagande, bien au contraire. Dans les semaines qui suivirent, des bruits macabres se répandirent: ils parlaient d’une extermination systématique à l’échelle du continent. Le 27 mars, Marvin Lowenthal affirma que 2,5 millions de Juifs mourraient de faim ou étaient tués pas seulement en Allemagne, mais aussi en Autriche, en Tchécoslovaquie et en Pologne9.
Le 4 juillet, le Morning News lança10:
Seul un complet renversement de leurs maîtres nazis peut désormais les sauver. Sans cela, ils semblent condamnés à l’extermination, ce qui est apparemment le but du programme.
Le 13 septembre, un hebdomadaire juif américain affirma qu’avec l’absorption de la Roumanie, Hitler menaçait désormais l’existence de six millions de juifs. L’auteur concluait que même si le Reich subissait un revers militaire, il était peu probable que beaucoup de juifs, parmi ces six millions, survivraient à sa défaite11.
Le 14 novembre, l’Oakland Tribune lança12:
Si [Hitler] conquiert l’Europe, comme il le peut, cela signifierait l’extermination ou l’exil de toute personne en Europe ayant des ancêtres juifs. Et s’il étend son système au reste du monde, comme il le promet — ce que nous devons éviter — cela signifierait l’extermination de toutes ces personnes sur la terre.
L’année 1940 fut donc celle où la rumeur d’une extermination systématique de six millions de Juifs se répandit.
Les « chambres à gaz »: rien de nouveau
Peu à peu, la « chambre à gaz » fut incluse dans la rumeur. Pourquoi? Parce que le terrain était prêt depuis longtemps. Dès la fin du XIXe siècle, on parlait d’exécuter les condamnés à mort dans des chambres à gaz avec de l’acide cyanhydrique13.
À l’époque, la proposition n’eut aucune suite; mais l’idée de pratiquer des homicides par « chambre à gaz » resta, prête à ressurgir. La Grande Guerre avec son cortège de rumeurs macabres en fut l’occasion.
Fin mars 1916, la presse rapporta des bruits selon lesquels les Bulgares et les Autrichiens massacraient des centaines de milliers de civils en les gazant14. Pour les Bulgares, on parlait de 700.000 victimes serbes. La dépêche précisait15:
La mort par baïonnette étant trop lente, les bourreaux ont eu recours aux gaz asphyxiants. Dans une seule église de Belgrade, trois mille femmes, enfants et vieillards furent ainsi asphyxiés. Les Autrichiens emploient les mêmes procédés au Monténégro.
En octobre 1918, les Allemands furent accusés d’avoir suffoqué des prisonniers français dans des « chambres à vapeur »16. La même année, dans un roman apocalyptique, l’écrivain catholique Emile Beaumann mit en scène l’antéchrist qui organisait « une extermination méthodique » de… Palestiniens17:
On introduit les condamnés, mille par mille, dans une salle voûtée, hermétique; une machine insuffle sur eux une nappe de gaz homicide; ils tombent, en moins d’une seconde, sans vie; de puissants lance-flammes consument instantanément les cadavres; ensuite, le lieu est ventilé; un courant d’air expulse les cendres; et l’autre série succède.
Au début des années 1920, une information fit le tour du monde: dans certains États américains, les condamnés à mort seraient désormais exécutés en chambre à gaz18. Le Nevada prévoyait d’asphyxier après les avoir endormis19.
En 1934, la chambre à gaz du Colorado fut montrée, avec la chaise sur laquelle le condamné serait asphyxié20. En 1936, la chambre à gaz ultramoderne de l’État du Wyoming fut, à son tour, montrée au public, ainsi que les derniers moments d’un condamné dans l’État de l’Arizona21. L’année suivante, celle de l’Oregon fut dévoilée en première page22. Ce moyen de mise à mort était donc parfaitement connu du grand public.
À cela s’ajoute un deuxième élément. À la fin du XIXe siècle, l’État de New York possédait une chambre à gaz dans laquelle les chiens errants étaient tués par groupe de cinquante23. Il en allait de même en Angleterre. À Londres, ces animaux étaient tués de la façon suivante: on les plaçait dans une chambre à gaz remplie de narcotique. Puis on introduisait les vapeurs mortelles. Une fois le chien mort, il tombait dans un crématoire qui le consumait24.
En 1908, le directeur d’un crématoire londonien proposa d’étendre cette méthode aux êtres humains25: il émit l’idée d’une chambre de mort pour y euthanasier « les vagabonds, les clochards, les simples d’esprit et, plus généralement, tous ceux dont la vie était inutile. »
L’idée de gazer les improductifs puis de les incinérer circulait donc avant même la Première Guerre mondiale. Dès lors, tout était en place pour que la rumeur apparue en 1916 ressorte, sous une nouvelle forme: elle concernerait des inutiles que l’on gazerait après les avoir engourdis.
Une rumeur qui renaît en Allemagne vers le printemps 1941
Et en effet, vers 1941, la rumeur reparut en Allemagne. À l’origine de l’affaire, un ordre signé par Hitler en 1940 pour accorder une fin miséricordieuse à tous les malades et les handicapés jugés incurables26.
Ce fut l’action T4, qui devait rester secrète. Mais des parents de victimes, qui s’opposaient à l’euthanasie, flairèrent la vérité et protestèrent. Des rumeurs commencèrent alors à circuler.
Le 17 mai 1941, un juge allemand adressa un rapport au ministère de la Justice. Rapportant les bruits qui couraient à propos des malades euthanasiés, il écrivait27:
On leur met des habits de papier et ils sont emmenés dans une chambre à gaz où ils sont liquidés avec de l’acide prussique et un gaz narcotique supplémentaire. On dit que leurs corps sont ensuite mis sur un tapis roulant qui les conduit directement à la chambre de crémation, six à la fois dans le même four.
À la faveur d’une décision gouvernementale, la rumeur avait donc ressurgi en Allemagne: elle mélangeait des bruits ayant circulé pendant la première guerre mondiale, des vérités concernant l’euthanasie des chiens errants et des propositions restées lettre morte à propos de vies jugées inutiles. Elle parlait en outre de gazages à l’acide cyanhydrique.
Mais là encore, il n’y avait rien de nouveau. C’était le produit utilisé dans certains États américains pour exécuter les condamnés à mort28. À l’époque, de nombreux articles en avaient parlé, qui mentionnaient noir sur blanc l’acide prussique29. En France, Paris-soir avait même donné une équation chimique de formation de ce produit mortel30.
Le grand public savait donc, ce qui explique la rumeur du gazage à l’acide cyanhydrique. Ironie de l’histoire, elle naquit en Allemagne, au sein des populations non juives. De là, elle se répandit.
1942: la rumeur se propage à l’étranger
Le 2 mai 1941, un quotidien américain publia un article qui accusait la Gestapo d’avoir, entre septembre en novembre 1940, tué 85 000 aveugles, gens âgés et handicapés au motif qu’ils ne pouvaient contribuer à l’effort de guerre31. Le texte précisait que les victimes avaient été mises à mort par poison, en chambre à gaz ou par injection d’air dans les veines.
Comme on pouvait s’y attendre, la rumeur atteignit en Pologne. Depuis un certain temps, le ghetto de Varsovie était le théâtre de bruits divers concernant une « extermination » systématique des Juifs par les Allemands. Un habitant se souvient32:
Des bruits de plus en plus inquiétants ont commencé à circuler dans le ghetto avec une insistance et une régularité grandissante, même s’ils ne s’appuyaient sur aucune preuve, comme d’habitude. Personne ne trouvait jamais leur source directe ni la plus infirme confirmation qu’ils étaient fondés sur une tangible réalité, et pourtant ils revenaient sans cesse.
La persistance se comprend, car une rumeur « exprime symboliquement les peurs et les aspirations« 33; ici, il s’agissait de peurs. Au cours du premier trimestre 1942, le gazage figura parmi les méthodes de meurtre de masse: on parlait entre autres de Juifs asphyxiés par les gaz à Lublin et à Tarnow34 (Id.).
C’est ainsi qu’au premier semestre 1942, des rumeurs différentes se fondirent pour donner naissance au massacre massif des Juifs dans des « chambres à gaz ».
Le 26 avril 1942, la presse américaine répercuta une information donnée la veille à Londres. On parlait de 700 000 Juifs déjà exterminés en Pologne. Le ou les auteurs précisaient que dans la région de Chelmno, 40 000 d’entre eux avaient étaient asphyxiés dans des camions transformés en chambres à gaz35.
Le 8 août 1942, le représentant du Congrès juif mondial à Berne transmit aux autorités américaines le message suivant36:
Reçu rapport alarmant selon lequel à l’état-major du Führer, plan a été discuté en vue extermination d’un coup de la totalité des juifs dans pays occupés contrôlés par Allemagne […] après déportation et concentration à l’Est. […] Action est préparée pour automne. Moyens d’exécution encore discutés. On parle d’acide prussique.
L’acide prussique n’était rien d’autre que l’acide cyanhydrique.
Pourquoi les dirigeants alliés n’ont pas cru la rumeur
Malgré le caractère alarmiste de ces informations, ceux qui connaissaient les mécanismes d’apparition et de grossissement des rumeurs ne furent guère impressionnés, car dans le message transmis fin septembre 1942 au Vatican à propos de l’extermination des Juifs de Varsovie, l’auteur affirmait37: « Leurs cadavres sont utilisés à la fabrication de graisses et les os à la fabrication d’engrais. Des cadavres sont même déterrés à cette fin ».
Or, cette histoire de récupération de cadavres pour en extraire la graisse et en récupérer les os n’était pas nouvelle: il s’agissait d’un des gros bobards de la propagande de guerre britannique pendant la Première Guerre mondiale.
Lancé en avril 1917, il avait été rapidement repris par de nombreux organes de presse. Un dessin paru le 25 avril 1917 dans la revue londonienne Punch montrait Guillaume II qui lançait à une jeune recrue38: « Et n’oublie pas que ton Kaiser te trouvera un usage, vivant ou mort« . En disant cela, il pointait du doigt une usine de transformation des cadavres.
Le 30 mai 1917, The Evening Post publia un article selon lequel dans cette usine, la graisse récupérée était transformée en huile de lubrification et les os mixés pour être mélangés à la nourriture destinée aux cochons39.
Le message parvenu au Vatican fin septembre 1942 reprenait purement et simplement le bobard britannique paru 25 ans plus tôt. On comprendra donc pourquoi, chez les Alliés, la méfiance fut de mise.
Le 15 décembre 1942, le préposé américain aux réfugiés, Robert Borden Reams, écrivit40:
Il faut à nouveau souligner que tous ces rapports ne sont pas confirmés. Il est de toute évidence impossible d’obtenir confirmation des activités allemandes dans les différents territoires occupés…
Il ne fait aucun doute que le peuple juif d’Europe est oppressé, et il est certain qu’un nombre considérable de Juifs sont morts d’une façon ou d’une autre depuis le début de la guerre.
Que le nombre de morts s’élève à des dizaines de milliers ou, comme ce rapport l’affirme, à des millions, ne constitue pas le problème principal…
Notre objectif principal est de gagner la guerre, et les autres considérations doivent y être subordonnées.
Les dirigeants alliés n’étaient donc pas dupes de ces racontars. La suite allait conforter leurs doutes.
À l’été 1943, le Renseignement britannique ne croit pas aux « chambres à gaz »
Le 19 janvier 1943, le Gouvernement polonais en exil diffusa un message intitulé: « Une nouvelle barbarie »41. Si le texte évoquait une politique de dispersion et d’extermination des Juifs dans des camps, c’était de manière très vague, sans mentionner la « chambre à gaz ». Pourquoi?
Parce qu’à l’époque, la rumeur affirmait qu’à Belzec, les Juifs n’étaient non pas gazés, mais électrocutés42.
Quant à Treblinka, ils y auraient été suffoqués avec de la vapeur. Une organisation juive polonaise prétendait citer un témoin direct: il parlait de cellules hermétiques remplies de vapeur; en 15 minutes tout le monde serait mort43.
Ce récit ne faisait que reprendre le vieux bobard datant de la Première Guerre mondiale et parlant de prisonnier français suffoqués par ce moyen.
Ainsi se vérifiait une fois de plus le constat qu’une rumeur ne disparaît jamais totalement: elle ressort dès que des circonstances favorables se présentent. Qu’il se soit agi de vapeur, d’électricité ou de gaz, les dirigeants alliés n’étaient donc pas dupes de ces racontars, fruits de rumeurs folles et protéiformes exprimant des peurs diverses.
La meilleure preuve vint en 1943. Le 10 août, l’ambassadeur britannique auprès du Gouvernement polonais en exil à Londres transmit à ses supérieurs un aide-mémoire polonais; il y était question de mesures d’extermination prises par les Allemands. Le deuxième paragraphe parlait « de femmes, d’enfants et de vieillards envoyés vers les camps pour y être tués dans les chambres à gaz qui avaient servi précédemment à l’extermination de la population juive en Pologne.« 44
Le document fut envoyé en URSS et aux USA pour servir de base à une déclaration commune des alliés. Le 27 août, la déclaration était fin prête. Elle avait été rédigée par les Américains. Les informations venues de Pologne étaient qualifiées de « dignes de confiance »45.
On notait toutefois un changement d’importance: les femmes, les enfants et les vieillards envoyés vers les camps étaient toujours tués dans des chambres à gaz, mais les auteurs avaient supprimé la fin, c’est-à-dire le passage suivant: « qui avaient servi précédemment à l’extermination de la population juive en Pologne. »
En effet, si pour les Polonais, l’extermination des Juifs était chose faite, pas pour les Américains. Preuve que, malgré les assurances données, les informations n’étaient pas fiables. Mais ce n’était pas fini.
Suite à la réception de l’aide-mémoire polonais, le 27 août 1943, le président de la commission mixte du Renseignement britannique, Victor Cavendish, fit parvenir un courrier à un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, William Strang. Dans une note introductive, il expliquait46:
Mon compte-rendu arrive sans doute trop tard pour être utile, mais je suis certain que nous commettons une erreur en accréditant publiquement cette histoire de chambres à gaz.
Le compte-rendu évoquait l’aide-mémoire polonais. À propos des « chambres à gaz », l’agent de liaison entre le ministère des Affaires étrangères et les services de renseignement, Roger Allen, soulignait:
Je regrette un peu l’affirmation, publiée sous l’autorité du Gouvernement de sa majesté, d’après laquelle des Polonais « sont maintenant systématiquement mis à mort dans des chambres à gaz ».
Les deux seules références que j’ai pu trouver dans l’annexe de l’aide-mémoire et qui évoquent ces exécutions sont:
(1) le télégramme du 17 juillet 1943 venu de Pologne: « le commandant en chef des forces armées du district de Lublin m’a informé qu’il possède la preuve que, là-bas (au camp de Majdanek), certains de ces gens sont assassinés dans des chambres à gaz. »
(2) le télégramme du 17 juillet 1943, de Pologne. « Il a été certifié que les 2 et 5 juillet, deux transports de 30 wagons chacun, avec des femmes, des enfants et des vieillards, ont été liquidés dans des chambres à gaz. »
On notera que le premier de ces rapports ne précise ni la date de l’événement ni le nombre de personnes concernées; le deuxième n’indique ni le lieu ni la source.
Il est vrai que d’autres rapports font référence à l’utilisation de chambres à gaz; mais généralement, voire tout le temps, ces références sont vagues et quand elles concernent l’extermination des Juifs, elles émanent généralement de sources juives.
Personnellement, je n’ai jamais réellement compris l’intérêt des chambres à gaz comparé à la mitrailleuse, plus simple, ou à l’affamement, tout aussi simple.
Ces histoires sont vraies ou pas, mais en tout cas, je souligne que nous publions une déclaration qui est loin d’être convaincante et dont il nous est impossible de juger la valeur.
Mais peut-être ne considérerez-vous pas cela comme suffisamment important pour justifier une action.
Or, loin d’écarter ce rapport, Victor Cavendish le soutint au contraire. S’adressant au ministère des Affaires étrangères, il souligna:
D’après moi, il est faux de présenter comme « dignes de confiance » les informations polonaises relatives aux atrocités allemandes.
Les Polonais, et bien plus encore les Juifs, ont tendance à exagérer les atrocités allemandes pour échauffer nos esprits. Ils semblent avoir réussi.
M. Allen et moi-même avons suivi d’assez près les atrocités allemandes. Je ne crois pas qu’il existe la moindre preuve, acceptable par un tribunal, que des enfants polonais ont été tués sur place par les Allemands alors que leurs parents étaient déportés en Allemagne pour y travailler; même remarque pour les enfants polonais vendus à des colons allemands.
Au sujet des Polonais mis à mort dans des chambres à gaz, je ne crois pas qu’une seule preuve ait été apportée. De nombreuses histoires ont circulé à ce propos, que nous avons rangées parmi les rumeurs sans croire qu’elles avaient le moindre fondement.
En tout cas, il existe beaucoup moins de preuves que pour le meurtre en masse d’officiers polonais par les Russes à Katyn.
Par ailleurs, nous savons que les Allemands ne veulent pas détruire les Juifs, quel que soit leur âge, du moment qu’ils sont aptes au le travail manuel.
Je crois qu’en accréditant publiquement ces histoires de chambres à gaz pour lesquelles nous n’avons aucune preuve, nous affaiblissons notre position contre les Allemands.
Ces exécutions de masse en chambres à gaz me rappellent l’histoire, pendant la dernière guerre, de l’utilisation des corps humains pour en récupérer la graisse; c’était un mensonge grotesque qui a fait que les histoires vraies concernant des crimes très graves commis par les Allemands ont été reléguées au rang de pure propagande.
On notera que dès 1943, les Britanniques connaissaient le vrai coupable dans le massacre de Katyn. Mais passons.
Malgré le caractère tardif de la demande, elle fut acceptée: ayant souligné « l’insuffisance de preuves pour justifier l’affirmation concernant les exécutions dans des chambres à gaz », le Gouvernement britannique obtint la suppression complète du passage relatif aux prétendues « chambres à gaz »47.
Lorsque, le lendemain, la déclaration commune parut dans toute la presse alliée, on y affirmait que les femmes, les enfants et les vieillards étaient envoyés dans des camps, point final48. Toute mention à des gazages avait disparu.
On en déduit que fin août 1943 encore, ni les Russes, ni les Américains, ni les Anglais ne pouvaient fournir la moindre preuve que les Juifs auraient été exterminés en masse dans des « chambres à gaz ».
À l’été 1944, Roosevelt et Churchill rejettent la propagande soviétique qui parle de gazages
Fin juillet 1944, ayant conquis la région de Lublin, les Soviétiques pénétrèrent dans le camp de Majdanek. Les SS l’avaient évacué en le laissant intact, y compris les fours crématoires, car aux yeux des Allemands, ces engins n’étaient pas la preuve d’un massacre de masse; ils servaient à incinérer les prisonniers morts de maladie, d’accident, ou d’une autre cause.
Toutefois, les Soviétiques en profitèrent: leur propagande montra les fours et prétendit qu’à Majdanek, 1,5 million de personnes avaient été gazées puis brûlées49. De façon révélatrice, aucune photo ne montrait une quelconque « chambre à gaz »50.
À l’Ouest, cette propagande n’eut guère de succès. Pourquoi? Parce que depuis avril 1944, les Anglo-américains pouvaient organiser des missions de reconnaissance au-dessus d’Auschwitz. Ainsi avaient-ils pris des photos destinées à planifier des bombardements, vérifier leur précision et évaluer les dommages51.
Par conséquent, les analystes de photographies aériennes avaient soigneusement étudié les lieux afin de découvrir les objectifs importants. Or, la thèse officielle affirme qu’à cette époque, « Auschwitz atteignit et dépassa les limites de ses capacités dans la frénésie du meurtre le plus horrible que le camp ait jamais vue« , avec « plus de 320 000 morts en moins de huit semaines« 52.
Chaque jour, donc, les SS auraient dû réceptionner plus de cinq mille personnes, les conduire aux « chambres à gaz », les faire se déshabiller, les gazer, sortir les corps des chambres, les brûler soit dans des crématoires, soit dans des fosses.
Parallèlement, il aurait fallu apporter le combustible pour les fours et pour les fosses, enlever les bagages laissés sur le quai ainsi que les habits laissés dans les vestiaires, entretenir les fours, nettoyer les fosses…
Birkenau aurait alors été une véritable fourmilière en suractivité. Un tel spectacle n’aurait pu échapper aux observateurs qui, à l’aide de leurs appareils, analysaient les clichés afin de connaître les lieux en vue de bombardements. Or, ils n’ont vu qu’un camp calme, sans aucune preuve d’un massacre de masse53.
Pour tenter d’expliquer ce fait, l’historienne Annette Wiewiorka explique54:
Les hommes qui analysent ces photos [d’Auschwitz] ne sont pas ceux qui reçoivent les informations [sur l’extermination]. Les uns et les autres sont pris dans des intrigues qui ne se croisent pas. Ceux qui s’occupent des installations industrielles ont des logiques différentes de ceux qui demandent les bombardements. Ils ne voient, et ils ne peuvent voir, dans les photos aériennes que ce qu’ils y cherchent.
De son côté, l’historien de la photographie Clément Chéroux déclare55:
L’interprète de l’époque, les yeux rivés sur les usines IG Farben, ne pouvait guère imaginer que se pratiquait à côté une autre industrie… une industrie de mort.
Or, on se souvient que fin août 1943, les Alliés avaient voulu parler des « chambres à gaz », mais qu’ils y avaient renoncé faute de preuve suffisante. Disposant désormais de photos aériennes, les propagandistes demandèrent bien évidemment aux analystes de les étudier afin de récolter la preuve nécessaire. Que virent-ils? Rien qui aurait pu prouver un massacre de masse.
La meilleure preuve est qu’à Nuremberg, l’Accusation ne produisit aucun cliché aérien. Pour « prouver » les massacres à Auschwitz, les vainqueurs traquèrent l’ancien commandant du camp Rudolf Höss et lui extorquèrent des « aveux » ébouriffants56.
On comprend donc pourquoi si les dirigeants alliés laissèrent leur presse se faire l’écho de la propagande soviétique, eux-mêmes restèrent très discrets. En particulier, ils se gardèrent bien de publier une déclaration commune qui, cette fois, aurait parlé de « chambres à gaz ». Pardi ! Ils savaient que cette propagande mensongère était destinée aux troupes soviétiques qu’il fallait galvaniser au moment de partir à l’assaut final du Reich57.
Les dirigeants alliés n’étaient donc pas dupes de ces racontars fruits de rumeurs recyclées et destinés à enrager la piétaille de l’Armée rouge. Le public non plus d’ailleurs. Début décembre 1944, un sondage Gallup le démontra: seuls 12% des Américains croyaient que les Allemands auraient massacré plus de deux millions de Juifs. 27% pensaient « moins de 100 000 » et 25% n’exprimaient aucune opinion58.
Voilà pourquoi jusqu’en avril 1945, les Allemands n’opposèrent aucun démenti à ces histoires délirantes de « chambres à gaz » et de millions de morts. Ils savaient qu’à l’Ouest, les alliés n’y croyaient pas, et qu’à l’Est, tout démenti serait inutile.
Conclusion: acquittement pour Pétain et pour la France
Il fallut attendre fin novembre 1944 pour que l’administration Roosevelt cautionne les rumeurs et la propagande soviétique. Mais à cette époque, le maréchal Pétain ne gouvernait plus le pays.
Par conséquent, le Gouvernement de Vichy et, plus généralement, la France méritent d’être lavés de l’accusation selon laquelle ils auraient délibérément envoyé des Juifs à la mort.
Sur ce point comme sur d’autres, les Français, et plus généralement les Européens, doivent se réapproprier leur Histoire. La vraie, pas celle écrite par les vainqueurs, car un peuple honteux d’un passé qu’on lui remémore en permanence est mûr pour disparaître…
1On lire l’intégralité de ce discours à l’adresse suivante: https://www.vie-publique.fr/discours/165017-declaration-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-sur-lacti.
2Joël Guedj, Introduction à l’Histoire de la Shoah (Imago, 2010), p. 114.
3Voir, par exemple, The Scranton Republican, 30 octobre 1891, p. 2; The Sun, 13 juin 1899, p. 6; The Courier Journal, 19 mai 1911, p. 43; The Charlotte Observer, 14 juin 1914, p. 24: il y était question « martyr non sanglant de six millions de Juifs du fait des lois antisémites » russes; The Oakland Tribune, 25 janvier 1916, p. 1; The Daily Courier, 4 août 1919, p. 9.
4Adolf Frank, La Bible, traduction nouvelle avec l’hébreu en regard, tome 3 (Paris: auto-édité, 1832), p. 118-119.
5« Our Jewish Agenda », archives du Net (https://archive.ph/exZ4i, consulté le 25 octobre 2024).
6The Wisconsin Jewish Chronicle, 5 mai 1939, p. 5.
7The Wilkes Barre Times Leader, 2 février 1940, p. 16.
8The Bee, 10 février 1940, p. 18.
9The Wilkes Barre record, 27 mars, p. 20.
10The Morning News, 4 juillet 1940, p. 6.
11The Wisconsin Jewish Chronicle, 13 septembre 1940, p. 8.
12The Oakland Tribune, 14 novembre 1940, p. 46.
13The Newcastle Weekly Courant, 11 novembre 1899, p. 2.
14The Victoria Daily Times, 22 mars 1916; The Windsor Star, 22 mars 1916, p. 1; Burlington Daily News, 30 mars 1916, p. 2.
15L’Humanité, 23 mars 1916, p. 4; Excelsior, 23 mars1916, p. 3.
16« Au sortir des Geôles allemandes », dans Lectures pour Tous, 1er octobre 1918, p. 63.
17Émile Beaumann, La Paix du Septième Jour (Paris: Librairie académique Perrin, 1918), p . 212-213.
18Le Courrier de Saône-et-Loire, 20 février 1922, p. 1.
19The Missouri Herald, 10 juin 1921, p. 1.
20The Montana Standard, 3 janvier 1934, p. 1.
21La Dépêche, 1er décembre 1936, p. 5; Excelsior, 25 mai 1936, p. 8.
22The Capital Journal, 6 décembre 1937, p. 1.
23The Washington Times, 14 août 1899, p. 8
24The Fort Wayne Journal Gazette, 29 juillet 1896, p. 2.
25The Nashville Banner, 15 avril 1908, p. 10.
26L’ordre secret d’Hitler a été retrouvé et produit à Nuremberg sous la cote PS-630.
27Ce rapport, très peu connu, figure dans les archives de Nuremberg sous la cote NO-844.
28The Oakland Tribune, 17 août 1930, p. 67.
29Voir, par exemple, The Tucson Daily Citizen, 18 mars 1931, p. 4.
30Paris-soir, 3 décembre 1938, p. 6.
31The Cincinnati Enquirer, 2 mai 1941, p. 6.
32Il s’agit de Wladyslaw Szpilman, dont les mémoires sont parues en français sous le titre: Le Pianiste. L’extraordinaire destin d’un musicien juif dans le ghetto de Varsovie, 1939-1945 (Paris: Robert Laffont, 2000). Le passage cité figure p. 96.
33Véronique Campion-Vincent et jean-Bruno Renard, De source sûre. Nouvelles rumeurs d’aujourd’hui (Paris: Payot, 2002), p. 20.
34Wladyslaw Szpilman, Le Pianiste…, p. 96.
35The Sydney Morning Herald, 26 juin 1942, p. 6.
36Saul Friedlander, Pie XII et les IIIe Reich (Paris: Seuil, 1964), p. 115.
37Ibid., p. 118.
38Punch, 25 avril 1917, p. 267.
39The Evening Post, 30 mai 1917, p. 2.
40David Bankier (éd.), Les services secrets et la Shoah (Paris: Le Nouveau Monde, 2007), p. 67.
41The Winnipeg Tribune, 19 janvier 1943, p. 6.
42Voir, par exemple, The Saint–Louis Post Dispatch, 2 mai 1943, p. 46.
43The Salt Lake Tribune, 9 août 1943, p. 2.
44Foreign Relations of the United States. Diplomatic Papers, 1943, vol. I, General (Washington: Government Printing Office, 1963), p. 409-410.
45Ibid., p. 416.
46Ces documents sont issus du dossier FO 371/34 551. J’en possède une copie des originaux.
47Foreign Relations of the United States…, p. 416-7.
48Voir, par exemple, The New Castle News, 30 août 1943, p. 1 et 2.
49Pour les photos de fours, voir The Gazette, 14 août 1944, p. 16; pour le bilan, voir The Daily Times, 30 août 1944, p. 1.
50The Daily Times, 15 août 1944_p18; The Lansing State Journal, 17 septembre 1944, p. 16; The Indiana Gazette, 21 septembre 1944, p. 5…
51Les rapports américains confirment. Le camp d’Auschwitz III, dit Monowitz, qui abritait le complexe industriel de l’IG Farben, fut bombardé une première fois le 20 août 1944 et une seconde fois le 13 septembre. Les rapports de ces bombardements sont consultable à l’adresse suivante: www.pbs.org/wgbh/amex/holocaust/filmmore/reference/primary/bombextracts.html.
52Laurence Rees, Auschwitz. Les nazis et la « Solution finale » (Paris: Le Livre de Poche, 2005), p. 349.
53Voir, par exemple, les clichés de Birkenau publiés le 21 janvier 2004 par France-soir. Les historiens insistent sur le panache de fumée qui s’échappe d’une fosse derrière le crématoire 5. Les révisionnistes ont démontré qu’il ne pouvait s’agir d’un massacre de masse (Carlo Mattogno, Auschwitz: Open Air Incinerations [2005, 2010], p. 43-79).
54Annette Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après (Paris: Robert Laffont, 2005), p. 218-219. wieviorka_couv + wieviorka_p218-2
55Collectif, Mémoire des camps (Paris: Marval, 2001), p. 98.
56Robert Faurisson, « Comment les Britanniques ont obtenu des aveux de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz », dans les Annales d’Histoire Révisionniste, n° 1, printemps 1987, p. 137…
57Au terme d’une contre-attaque, les Allemands découvrirent un panneau soviétique sur lequel on lisait: « Soldats ! Majdanek est impardonnable. Vengez-vous sans merci. » Un cliché de cette pancarte figure dans l’ouvrage d’Alfred M. de Zayas, The Wehrmacht War Crimes Bureau (University of Nebraska Press, 1989).
58Sondage paru dans The Pittsburg Press, 3 décembre 1944, p. 25.