Depuis un an en prison - lettre de vicent reynouard

En prison depuis un an à Édimbourg

⏳ Temps de lecture: 12 minutes

10 novembre 2023: depuis un an exactement, je suis en prison à Édimbourg.

Je remercie du fond du cœur celles et ceux qui me soutiennent en m’envoyant colis, lettres et argent. Merci également de vos pensées et de vos prières à mon intention.

Si vous n’avez pas reçu de réponse

J’en profite pour clarifier une petite chose: je réponds systématiquement à tout le monde. Si vous n’avez pas reçu de réponse de ma part, c’est parce que:

  • la poste a perdu votre courrier qui ne m’est donc pas parvenu;
  • la poste a perdu ma réponse qui ne vous est donc pas parvenue.

Quoi qu’il en soit, si vous n’avez pas reçu ma réponse, vous pouvez m’en informer et je vous écrirai en joignant un petit dessin à mon envoi.

La prison, ce n’est pas ce qu’on imagine

Le confort

Après un an ici, la prison est devenue mon « chez moi ». Un chez moi que de nombreux déshérités dans le monde envieraient. Je bénéficie d’une cellule individuelle propre, bien éclairée et dotée d’un grand bureau ainsi que de nombreuses étagères pour ranger mes livres et mon matériel de dessin.

Depuis début octobre, le chauffage fonctionne de 4h à 22h. La température est élevée (je dirais qu’elle avoisine les 25°C). Aussi suis-je vétu d’un simple t-shirt, et d’un short, avec aux pieds des chaussons donnés par la prison.

Ici, tout est fourni: bouilloire, rasoir, savon, shampoing, brosse à dents et dentifrice. La cantine (comprenez: le catalogue de la prison) permet d’en acheter de meilleure qualité. Toutefois, étant habitué à une vie simple, les fournitures de l’établissement me conviennent.

La nourriture

La nourriture est excellente. On nous propose trois menus à chaque repas, que l’on choisit la veille. Un roulement s’effectue sur trois semaines, ce qui évite la monotonie. Végétalien (excepté pour le lait que je bois), je choisis toujours le menu végétarien. Sachant qu’il ne comporte pas de poisson et que je donne les œufs à un codétenu sportif, j’ai pu garder mes habitudes alimentaires.

La ratatouille de la prison est quasiment aussi bonne que celle préparée par la mère qui est une excellente cuisinière. Le chou-fleur en sauce est un régal, tout comme les lasagnes végétariennes et le hachis végétarien. Dans le hachis, la viande est remplacée par des lentilles jaunes, ce qui donne un mariage très heureux.

Le midi, le plat de résistance est accompagné d’une soupe préparée avec les légumes de la veille. Le soir, un dessert maison est proposé (crumble, shortbread, génoise à la crème anglaise). Je lui préfère le fruit: une pomme, une banane, ou une poire.

Le sport

Chaque jour, je profite des deux récréations pour courir sur un tapis roulant en accès libre dans le hall. À raison de cinquante minutes le matin et vingt-cinq minutes l’après-midi, je parcours l’équivalent de dix kilomètres en montée. Ainsi n’ai-je rien perdu de ma forme physique, bien au contraire.

En outre, trois fois par semaine, je vais au sport. Deux grandes salles sont à disposition: l’une pour les jeux collectifs, l’autre pour la musculation. On y trouve une vingtaine d’appareils ainsi que de nombreux poids et haltères. Voilà un mois, le vieux matériel a été remplacé par du flambant neuf, moderne.

Un vélo d’intérieur a ma préférence. Il est équipé d’un écran tactile et dispose d’une option intitulée « E-scape » (en anglais: « évasion », ce qui, dans le contexte, m’a bien fait sourire). Cette option permet de pédaler pendant qu’un paysage défile à l’écran. Je peux choisir entre une route, un chemin dans une vallée, les bords d’un lac immense et une plage. J’opte le plus souvent pour le lac, avec en fond des montagnes enneigées. Pendant une heure, je pédale en rêvant, parcourant environ 17 km.

La gentillesse, en prison, ça paye

Les codétenus

Mes codétenus m’apprécient, grâce à mon sourire, à l’aide que j’apporte aux plus pauvres et aux dessins que je réalise gratuitement. En prison, tout se paye, le moindre service doit être rétribué. Mais pour ma part, je pratique la gratuité: quand on me demande un timbre, du tabac (j’en ai toujours bien que je ne fume pas), du sucre, de la confiture, des biscuits ou un dessin, je donne.

Voilà peu, un détenu m’a demandé de réaliser un portrait de lui avec sa fille dans les bras (elle doit avoir trois ans). Quand je le lui ai donné, il a dit: « Amazing! » (en anglais, époustouflant). En effet, en plusieurs mois de pratique j’ai bien progressé.

Comme les détenus affichent mes œuvres dans leur cellule, ma réputation a grandi. Hier, l’un d’entre eux m’a demandé de dessiner un loup, car il avait vu des portraits de chiens et de chats que j’avais réalisés voilà quelques semaines. J’ai achevé son dessin aujourd’hui et mon codétenu m’a félicité: le loup devant des montagnes au soleil couchant était, je dois bien avouer, très réussi.

Un prisonnier m’a demandé de réaliser quatre portraits: ses trois enfants et leur mère. Il les a envoyés à son épouse. Peu après, il m’a lancé tout joyeux: « Ma femme était si contente qu’elle a acheté quatre cadres pour afficher tes portraits dans l’entrée. Maintenant, quand la famille vient, elle est fière de les montrer. »

À de nombreuses reprises, j’ai donné des aquarelles aux gardiens, à l’équipe médicale et à l’équipe de la réception (celle qui reçoit et distribue le courrier). L’équipe de l’Éducation m’a déjà demandé des dessins pour décorer le hall. Le 12 octobre dernier, alors que j’arrivai au tribunal pour le rendu du jugement, la gardienne qui s’occupa de moi à la descente du bus pénitentiaire lut mon identité et lança : « Vous êtes Vincent? Alors ce sont vos dessins, ici! » J’en ai déduit que certaines de mes œuvres ont été données au palais de Justice d’Édimbourg.

Les gardiens

Les gardiens sont très aimables avec moi. Ils font leur possible pour me rendre la détention plus facile. Par exemple, lorsqu’une dent de sagesse me fit beaucoup souffrir, une gardienne remplit les formulaires médicaux pour moi et les transmit de suite à la dentiste.

Un rendez-vous me fut donné en trois semaines, ce qui est rapide ici, car deux dentistes s’occupent d’environ deux mille détenus m’a-t-on dit. Le cabinet dentaire de la prison est ultramoderne. Très professionnelle, la dentiste a pris des radios qu’elle m’a montrées sur un écran d’ordinateur. Après diagnostics, elle m’a extrait trois dents, deux de sagesse et une molaire voisine qui poussait mal.

La bonté des gardiens à mon égard s’explique par le respect que je leur témoigne. Rapidement, ils ont pu constater que je les considérais non pas comme des ennemis, mais comme des fonctionnaires remplissant leur devoir. Le matin et le soir, lors du premier et du dernier appel, je leur souris en leur souhaitant le bonjour ou le bonsoir. Quand je formule une demande, j’ajoute toujours: « Si c’est impossible, ce n’est pas grave » (souvent, c’est impossible).

Je mise sur mon accent français pour attirer leur sympathie. Je ne fais aucun effort pour le corriger, au contraire… J’ai pu ainsi amadouer une gardienne particulièrement stricte sur le règlement. Alors que je demandais une faveur, elle a fini par me regarder en disant: « C’est demandé avec un accent français si adorable que, pour cette fois, j’accepte. » En guise de remerciement, je lui ai dessiné une rose.

La drogue en prison

Le premier appel est à 7h15. Les gardiens qui vérifient ma cellule me trouvent déjà à mon bureau, travaillant ou dessinant. Mon bureau est alors soit une écritoire, couverte de papiers et de livres, soit un atelier de peinture, avec palettes et pinceaux.

À cette heure, mon lit est fait, ma cellule est rangée et je suis rasé de près. En cela, je suis très différent des prisonniers drogués (ils constituent 80% de l’effectif) que l’on trouve toujours avachis sur leur lit face à la télévision sans cesse allumée.

Comment la drogue entre-t-elle en prison?

Les psychotropes circulent en abondance ici. Les mesures prises par la prison pour en interdire l’accès sont sans cesse déjouées. Certaines drogues proviennent directement de l’infirmerie, grâce à une méthode très simple. Les détenus auxquels des tranquillisants ou des somnifères ont été prescrits doivent les avaler devant l’infirmière de service. Toutefois, ils les conservent sous leur langue et les recrachent dès que l’infirmière a le dos tourné. Ils peuvent ensuite les vendre à d’autres.

Quant à la drogue venue de l’extérieur, plusieurs méthodes sont utilisées pour déjouer la vigilance de l’administration. Parmi elles, le « French kiss ». Au terme d’une visite, la compagne d’un détenu l’embrasse longuement sur la bouche. Elle en profite pour lui faire passer un petit sachet qu’elle a mise dans sa bouche juste avant le baiser.

Un jour que je me douchais, je remarquai un petit sachet au sol, juste entre ma cabine et celle de mon voisin (les cloisons ne descendent pas jusqu’au sol), qui contenait des comprimés jaunes (une drogue synthétique) et une carte SIM illégale. L’ayant ramassé, je l’ai tendu au détenu alors qu’il s’apprêtait à sortir de la salle: « Ne serait-ce pas à toi? » Il m’a regardé, visiblement consterné d’avoir laissé tomber ça: « Oh! Merci Vincent. » « Tu as de la chance d’être tombé sur moi. Un junkie ne te l’aurait certainement pas rendu. »

Pourquoi ne légalise-t-on pas le cannabis? L’opinion d’un caïd

Un caïd m’a affirmé qu’en Grande-Bretagne, plus de la moitié de la population se droguait régulièrement.

« — Dans ce cas, demandais-je, pourquoi le cannabis n’est-il pas légalisé?
— Parce que s’il était légalisé, beaucoup le cultiveraient pour gagner leur vie. Or, nos dirigeants touchent de l’argent issu du trafic.
— Mais, dans le cas de la légalisation, les producteurs payeraient des impôts qui iraient dans les caisses de l’état. Alors pourquoi?
— Parce que l’argent issu du trafic va directement dans les poches des corrompus… »

Je retranscris la substance de ce dialogue sans juger la véracité des réponses apportées à mes questions. Toutefois, le caïd paraissait très informé du dessous des cartes. Ayant appris que j’étais chimiste de formation, il m’a proposé, à ma sortie, de travailler pour lui avec un salaire initial de 5000€ par mois. J’ai décliné l’offre, arguant que la police me surveillerait toujours, car je suis un militant politique.

Les gardiens savent que je ne suis impliqué dans aucun trafic: ni drogue, ni téléphone, ni carte SIM. Chaque semaine, j’achète du lait, des Weetabix (ma « drogue »), des timbres, et du crédit téléphonique, ainsi que 21 pommes (trois par jour).

Captivité, servitude: ne vous fiez pas aux apparences

Sans attaches, on est libre même en prison

Dans ma cellule, au calme, sans télévision, ni radio, ni Internet, je lis, je médite, j’écris et, surtout, je dessine. Lorsque je colorie mes dessins, j’écoute de la musique. Beaucoup de mes œuvres, que j’affiche dans ma cellule, représentent le monde imaginaire que j’ai créé quand j’avais une dizaine d’années et qui m’habite encore aujourd’hui, bien qu’ayant beaucoup évolué. Quand je dessine ou que je me repose, je le fais vivre en inventant des situations de départs et en imaginant des suites possibles.

Les souvenirs de la prison d’Édimbourg resteront gravés dans mon cœur. D’ailleurs, un fait démontre que ce séjour est heureux: les semaines défilent à une vitesse incroyable. Voilà un an que je suis ici, mais cela m’apparaît trois mois tout au plus. Plus que neuf semaines avant l’appel. J’en viens à espérer un report d’audience. « Encore un petit mois supplémentaire, messieurs les juges. »

Certains objecteront que je ne suis pas libre. Encore faudrait-il s’entendre sur la signification de ce concept. Certes, je n’ai pas la possibilité de sortir, d’aller et venir, de fréquenter qui je veux… Mais en Angleterre, je sortais uniquement pour donner des cours particuliers, acheter ma nourriture et pratiquer du vélo sportif. Je n’allais ni au café, ni au pub, ni à la piscine, ni au cinéma, ni en boîte de nuit ni en vacances. Par conséquent, la liberté de sortir ne me manque pas.

De plus, lorsque je médite, que je lis, que je dessine, ou que je plonge dans mon monde imaginaire, des horizons infinis s’ouvrent à moi, faits de réflexions, de découvertes intellectuelles et de rêves. Les murs de ma cellule cessent alors d’exister: je suis en conversation avec l’auteur que je lis, je voyage au-dedans de moi ou je vis mille aventures sur une autre planète.

Je le dis sans honte: je conserve en moi une part importante de l’enfant que j’étais (d’où le fait que je m’amusais tant avec mes enfants). Mon personnage préféré est toujours Alice au Pays des merveilles.

Je ne prends aucun plaisir à m’occuper du matériel: les courses, le ménage, les papiers, les factures, les repas mondains… quel ennui! Or, en prison, on s’occupe de tout cela pour moi: nourriture, linge, draps, sport, bibliothèque, soins… tout est fourni, et il n’y a rien à payer.

Être au service du beau, du vrai, du bien , c’est être libre

Certes, je n’ai plus de travail et je ne gagne plus ma vie, devant me contenter de ce que l’on me donne et de ce que l’on m’octroie. Toutefois, la prison me permet de continuer à remplir ma mission révisionniste. En subissant l’acharnement et les injustices criantes du Système, je témoigne pour la vérité. Aujourd’hui plus que jamais, je suis dévoué tout entier au révisionnisme.

Un correspondant s’est étonné: « Vous êtes devenu l’esclave des sympathisants révisionnistes. » Disons plutôt le serviteur. Et cette condition m’agrée.

Voilà une vingtaine d’années, je donnais des cours particuliers dans une famille nombreuse qui pratiquait l’école à la maison. Elle vivait dans un grand domaine où, chaque semaine, je me rendais pour y passer trois jours d’affilée. Je dormais dans une chambre confortable et mangeais avec les enfants. Si les parents m’avaient proposé de devenir leur domestique, c’est-à-dire, de m’occuper de leur maisonnée et de leur rester attaché sans être payé, mais nourri, logé, blanchi, j’aurais accepté sans hésiter.

Voilà pourquoi ma situation présente ne m’affecte pas. Je la préfère à celle de l’ouvrier travaillant à la chaîne ou d’un employé chargé d’une tâche répétitive sans intérêt. Certes, ils sont libres de choisir la marque de leur voiture, leur film du soir ou le chemin de randonnée balisée qu’ils parcourront. Mais Jacques Ellul souligne: « ce que l’on nous propose ici, c’est la liberté pour le matelot de mettre des gants ou non pour faire les manœuvres qui lui sont commandées. »

Une touche de romantisme

Bien sûr, comme tout serviteur, je ne maîtrise pas mon destin. Peut-être serai-je extradé vers la France où m’attendent des adversaires et une « justice » qui seront sans pitié. Mais c’est ici que le romantisme entre en jeu.

Parmi les Collaborationnistes, mon préféré, sur le plan humain, est Jean Hérold-Paquis. Chroniqueur à Radio-Paris, il se définissait comme un « national-socialiste français ». Idéaliste, il recevait un salaire modique et vivait modestement dans un appartement parisien. À l’enterrement de Philippe Henriot, il vint en métro, sans protection, car il ne possédait aucun véhicule et ne bénéficiait pas de gardes du corps. En 1944, recherché et cerné de toute part, il tenta en vain de fuir en Suisse. Arrêté et jugé, il fut condamné à mort et fusillé.

Un soir, lors d’une discussion avec Henri Roques (que je considérais comme un grand-père adoptif), celui-ci me lança en riant: « Toi, en ’44, tu aurais été parmi les premiers fusillés. » J’en conviens. Si, au lieu d’être né en 1969, j’étais venu au monde depuis un demi-siècle, dès 1941, je me serais engagé corps et âme dans la Collaboration la plus totale avec le IIIe Reich. J’aurais prôné le renversement des alliances, une déclaration de guerre au Royaume-Uni et la mise au service de l’Allemagne de toutes les ressources françaises. En octobre 1944, cerné de tous côtés, j’aurais combattu jusqu’à la dernière extrémité, profitant d’instant de répits pour rêver, méditer et me détendre au milieu des ruines de mon monde. Arrêté, j’aurais été livré à la « justice » de mes pires ennemis.

Là où ni vers ne rongent, ni voleurs ne percent les murs

Je n’ai pas vécu ce destin, mais en 2024, peut-être serais-je livré à la France, avec tout ce qui suivra. Pour l’heure, désormais cerné par les murs de la prison, je continue le combat par le biais d’articles et, en cellule, je mène une vie d’étude et de détente remplie de rêves.

C’est mon côté romantique. Je remercie la Providence de me l’avoir donné. Certes, on ne me fusillera pas, mais on m’achèvera socialement, ce qui n’est guère différent sur le plan humain. J’en veux pour preuve la peur qu’éprouve l’immense majorité de perdre sa tranquillité sociale, comme s’il s’agissait de la vie.

Si, donc, je suis extradé, je vivrai un destin semblable à celui de Jean Hérold-Paquis et de nombreux autres nationaux-socialistes. Ce sera une récompense de la Providence.

Ayant accepté d’être au service de la cause révisionniste, je suis un serviteur volontaire de la vérité dans son aspect historique. En tant que tel, je ne la trahirai jamais. Je resterai fidèle à cette déesse exigeante, mais digne qu’on la serve par amour du Bien commun.

Merci encore à celle et ceux qui m’apportent leur soutien dans ma mission.

Vincent