Un correspondant a adressé à Vincent Reynouard un long courrier dans lequel il l’interpelle sur l’efficacité du combat des nationalistes français et lui demande si sa mission révisionniste est pertinente. Voici la réponse de M. Reynouard.
Un correspondant m’a écrit un long courrier dont la substance est la suivante:
- Il s’interroge sur la mission des révisionnistes, mission qui, d’après lui, est présentée dans mes écrits de manière quasi mystique, liée à des croyances et conventions.
- Il critique l’inefficacité des nationalistes en France, les qualifiant de fantômes inopérants.
- Il remet en question l’engagement des révisionnistes dans ce contexte stérile.
- Il souligne l’aspect croyant des uns et des autres.
- Il illustre son propos à l’aide d’anecdotes qui dénotent des comportements contradictoires.
- Il conclut en expliquant le piège de la croyance, appelant à profiter de la vie loin de cette société en déclin.
- Il considère le changement de cette société comme impossible de l’intérieur, en raison de son état de pourrissement avancé.
Monsieur,
Votre texte démontre que vous êtes un homme d’affaires: terre-à-terre, observateur des réalités, nullement fantaisiste. Vous avez dû créer des entreprises…
Je suis un insurgé
De mon côté, je suis ce qu’Édouard Drumont appelait un insurgé, c’est-à-dire quelqu’un qui, poussé par une force intérieure, sacrifie sa vie pour défendre une cause.
Le propre de l’insurgé […] est de se lancer dans l’inconnu, de forcer violemment la main à la Destinée et, par le seul fait de sa volonté, par l’extraordinaire puissance que lui donne le sacrifice qu’il fait d’avance de sa vie, de contraindre la Destinée à accoucher […]
L’insurgé, au fond, ne sait jamais ce qui arrivera à la suite de ce qu’il fait, mais ce qu’il sait, c’est qu’il arrivera quelque chose. Il a produit de l’action et cette action crée des mouvements, des courants, opère des déplacements de situations et des troubles d’êtres qui seraient restés à l’état latent sans cette secousse.
Édouard Drumont, La fin d’un monde (Paris: Albert Savine, 1889), p. 327-328.
Un ami philosophe me qualifie de « rebelle » et souligne que mon « sacrifice permet de sensibiliser ceux qui ont encore quelque souci de la vérité ». C’est tout, cela ne va pas plus loin.
Pour moi, une vie de repos (que vous me proposez aimablement) est une vie dépourvue de sens. J’espère mourir avant de ne plus pouvoir combattre, et suis persuadé que la Providence m’accordera cette faveur.
Vous m’écrivez: « donnez la parole aux jeunes. » Certainement. J’encourage à s’exprimer tous les jeunes qui ont quelque chose à dire. Plusieurs d’entre eux pourraient en témoigner. Je crois que l’arène du militantisme est assez grande pour accueillir tout le monde.
Dans une lutte hors norme, les combattants sont des parias…
Je partage en grande partie vos analyses sur les milieux nationalistes en France. Si j’excepte une minorité, dans leur majorité, les nationalistes français actuels sont:
- soit des gens qui ont renié la plupart des idéaux fondamentaux pour des raisons de politique politicienne (entre autres, pour « ratisser large » ou pour espérer des succès électoraux);
- soit des marginaux.
Pourquoi en est-il ainsi? Parce que, le peuple français rejetant le nationalisme, les nationalistes n’ont guère le choix:
- soit ils doivent se renier pour s’intégrer;
- soit ils sont rejetés et marginalisés.
Cependant, qu’importe les hommes, c’est l’idée qui compte. Mon combat consiste à donner des arguments en faveur de la réhabilitation du national-socialisme. Je ne suis pas naïf au point de croire qu’ils seront repris de mon vivant et serviront aujourd’hui — quoiqu’à ce sujet, je puis me tromper: à propos de l’insurgé, Drumont écrit encore:
Il est à la merci évidemment du hasard, mais il peut aussi être servi étrangement par ce hasard; il a des chances de renverser des gens pris à l’improviste et qui ne sont pas sur le même plan d’idées que lui il se heurte à des résistances imprévues, mais, très souvent aussi, il rencontre des défaillances incroyables, des affaissements inouïs, des facilités à passer sur lesquelles il n’aurait pas osé compter une porte de bronze derrière laquelle il devait y avoir des hommes prêts à se faire tuer jusqu’au dernier se trouve être une porte de carton et, quand on l’a enfoncée en pressant dessus, on aperçoit un vieux concierge débonnaire qui vous dit: « Donnez-vous donc la peine d’entrer. »
Édouard Drumont, La fin d’un monde (Paris: Albert Savine, 1889), p. 327-328.
… ou des jusqu’au-boutistes (comme moi)
Vous me dites mû par la « croyance » et ajoute: « je la soupçonne d’être d’origine psychotique à bien des égards. » Votre position d’incroyant est logique, et votre message implicite est le suivant: « M. Reynouard, vous souffrez de désordres de l’esprit; soignez-vous et changez de vie, car vous avez le droit au bonheur. »
En tant que croyant, je réponds: « le combat révisionniste est si difficile à mener jusqu’au bout que la Providence suscite des jusqu’au-boutistes pour cela. » Si j’étais « normal », j’aurais abandonné le combat depuis longtemps.
La démocratie garante des « libertés individuelles »: voilà tout ce qui intéresse les Français
En revanche, je ne crois pas que, comme vous l’affirmez, le révisionnisme aurait « gagné la partie ». Depuis plus de vingt ans, des sondages semblent permettre cette conclusion. Toutefois, mes observations sur le terrain, en France, en Belgique et en Angleterre, l’infirment radicalement. Je me méfie de ces sondages qui permettent aux gardiens de la Mémoire de justifier leur action toujours plus agressive.
Vous prétendez enfin que les révisionnistes et les nationalistes seraient utilisés par la Système comme « épouvantail à élection ». D’où votre stratégie: que les nationalistes et les révisionnistes « disparaissent du paysage occidental » et alors « la population se rendrait compte qu’il n’existe plus d’opposition, et de facto les urnes se videraient… laissant place à une oligarchie rendue illégitime et parfaitement visible de tous ».
Permettez-moi deux remarques.
1) Si les nationalistes et les révisionnistes choisissaient de disparaître, le Système pourrait en susciter de faux en cas de besoin.
2) Je ne crois pas que le peuple considère l’oligarchie comme illégitime. Certes, il ne l’aime pas, mais il voit en la démocratie la garante de ses « libertés individuelles ». Aussi supporte-t-il cette oligarchie et même la plébiscite d’élection en élection.
Qui est vraiment libre?
Voilà, Monsieur, ce que j’avais à vous répondre. Encore une fois, je vous remercie de votre sollicitude à mon égard. Vous m’avez écrit franchement, je vous ai répondu avec la même franchise.
J’agis comme le semeur, sachant que je ne récolterai pas. Toutefois, c’est sans importance, car pour moi, ma récompense viendra après ma mort physique.
Et si je me trompe? Si aucune récolte ne vient, aurais-je gâché ma vie? Non, car elle aura été bien plus remplie et bien plus excitante qu’une existence banale. Quand, de ma cellule, je contemple les gens des immeubles d’en face partir chaque matin au travail, je me dis: « qui est vraiment libre? » J’ignore ce qu’ils répondraient et ce que vous répondriez; mais à mes yeux, je suis libre, contrairement à eux. Libre, car j’ai choisi ma vie.