Mais ne pensez-vous pas que les Juifs dominent-ils le monde, Monsieur Reynouard?
Dans les milieux de la droite nationale, certains sont persuadés que les Juifs dominent le monde. Pour ce faire, ils invoquent notamment le fait que, par exemple, l’État d’Israël serait au-dessus des lois, que ses dirigeants se moqueraient des résolutions de l’ONU, et que rien de concret ne serait tenté pour remédier à ce mépris.
Le monde compte de nombreux groupes de pression qui défendent des intérêts précis, bien souvent au mépris des lois. Je pense au groupe de pression des géants de l’Internet, à celui du diesel, celui du pétrole, celui des écologistes, celui des Chinois…
Parmi eux figurent des groupes qui défendent les intérêts juifs, à commencer par ceux d’Israël. Ils bénéficient de soutiens politiques et financiers importants, comme beaucoup d’autres non juifs. En outre, profitant de la sidération du monde occidental face à l’“Holocauste”, leur action est bien souvent couronnée de succès.
Pour autant, les Juifs sont-ils maîtres du monde? Autrement dit, dominent-ils tout au point de pouvoir agir totalement comme ils le veulent? Assurément, non! Dans le cas contraire, gageons qu’ils auraient depuis longtemps résolu le problème palestinien d’une façon radicale.
De plus, s’ils maîtrisaient toute la Presse occidentale, jamais le dissident juif Mordechai Vanunu n’aurait trouvé un grand journal britannique pour révéler l’existence de l’arsenal nucléaire israélien. Enfin, s’ils manipulaient partout la justice, dès le 9 décembre dernier, j’aurais été extradé vers la France.
Je pourrais multiplier les exemples démontrant que l’image du Juif maître omnipotent du monde est erronée. Oui, il existe des groupes juifs puissants, comme il en existe des non juifs; non, ils ne maîtrisent pas tout, tant s’en faut.
Mais ne pensez-vous pas qu’il existe un plan juif pour dominer le monde, Monsieur Reynouard?
Mais j’entends déjà les tenants de la thèse du complot juif me répondre que, même s’il n’est pas encore entièrement réalisé, un plan juif pour dominer le monde existe bel et bien. Ils appuieront leur affirmation en me citant les Protocoles des sages de Sion dont Hitler défendait l’authenticité dans Mein Kampf, et dont le caractère prophétique plaide en faveur de sa pertinence.
Dans une série de vidéos très documentées, j’ai expliqué pourquoi, à mes yeux, les Protocoles des sages de Sion sont un faux.
Dans l’intérêt du lecteur qui n’aurait pas vu cette série de vidéos (publiée il y a bientôt huit ans), voici quelques observations qui, à mes yeux, discréditent les Protocoles des sages de Sion.
Mais que faites-vous des prophéties des Protocoles des sages de Sion, Monsieur Reynouard?
Certes, les Protocoles semblent prophétiques; mais, en réalité, bien des faits prédits ne se sont jamais réalisés, voire contredits.
Les Protocoles annonçaient, par exemple, que désormais les guerres ne permettraient aucun avantage territorial. Cependant, la “paix” imposée à l’issue de la Première Guerre mondiale a démontré l’inanité de cette promesse.
Les Protocoles affirmaient également que, face au principe de responsabilité imposé, plus aucun goy n’oserait se présenter aux élections pour accéder à de hautes fonctions. Cependant, cela ne s’est jamais produit.
Les Protocoles annonçaient l’instantanéité de l’information. Cependant, l’instantanéité de l’information devait être, d’après les Protocoles, permise par des annonceurs qui parleraient sur les places publiques: il n’y avait donc aucune annonce du développement des techniques de diffusion par radio ou télévision.
Les Protocoles annonçaient l’extension de la démocratie et la création d’une assemblée mondiale destinée à assurer une paix universelle. Cependant, l’extension de la démocratie et la création d’une telle assemblée figuraient parmi les aspirations issues du siècle des Lumières. Depuis la moitié du XIXe siècle, elle s’exprimait partout, et certains rêvaient d’une république universelle.
Les Protocoles annonçaient des attaques contre l’Église menant à son discrédit. Cependant, cette annonce n’avait rien de prophétique, car, depuis la Renaissance, les découvertes des sciences expérimentales encore balbutiantes avaient commencé à miner la Foi. Au XIXe siècle, le scientisme triomphant fit que de nombreuses parties de la population se détournèrent de l’Église vue comme obscurantiste. La Foi était alors moquée comme un reliquat des anciens temps condamné à disparaître.
En réalité, les auteurs des Protocoles ne firent que constater ces évolutions pour les attribuer aux Juifs.
Mais ne pensez-vous pas que les auteurs des Protocoles avaient raison, Monsieur Reynouard?
Toutefois, dernière question surgie: même si les Protocoles étaient l’œuvre de faussaires antisémites, les constats formulés ne sont-ils pas pour autant fondés?
Pour ma part, je pense que les auteurs des Protocoles se trompaient.
Considérez l’exemple des découvertes de l’astronomie qui chassèrent l’image de la Terre centre de l’univers — vision logique si toute la création avait été réalisée pour l’Homme — et qui la présentèrent comme une simple poussière perdue dans un espace immense gouverné par des lois naturelles. Ces découvertes furent celles non pas de Juifs, mais de chrétiens: Newton, Kepler et le chanoine Copernic.
Le premier projet de paix perpétuelle réalisée par une assemblée supranationale fut présenté à la fin du XVIIe siècle par un prêtre: l’abbé de Saint-Pierre.
L’ouvrage matérialiste L’homme machine, paru peu avant 1750, était l’œuvre d’un chrétien: La Mettrie.
Bref, toutes les idées qui allaient chambouler le monde naquirent hors des milieux juifs. Je n’accorde donc aucune valeur aux Protocoles des sages de Sion.
Encore un commentaire au sujet de cet ouvrage: il affirme que la puissance juive empêchera désormais l’arrivée au pouvoir d’un antijuif dans un pays quelconque. Or, trente ans plus tard, Hitler fut nommé chancelier.
Pour résoudre cette contradiction, les partisans des Protocoles prétendent que Hitler faisait partie du plan des Juifs, que ceux-ci savaient qu’il perpétrait l’“Holocauste”, mais qu’ils étaient prêts à sacrifier plusieurs millions des leurs pour obtenir la création de l’État d’Israël.
Toutefois, s’il en avait été ainsi, pourquoi l’arrivée d’Hitler n’était-elle pas annoncée par les Protocoles? Plus grave: la création de l’État d’Israël n’est pas prédite non plus, pas plus que ne le sont la contraception, l’avortement, l’euthanasie, etc.
Voilà pourquoi je reste d’accord avec le Professeur Faurisson qui refusait catégoriquement d’invoquer les Protocoles. «Un révisionniste ne peut utiliser un faux,» répétait-il.