La répression s’aggravant, certains m’interrogent : « Ne craignez-vous pas d’être extradé d’Angleterre et livré à la France ? » Ma réponse est simple : oui, je crains une extradition. Mais je garde en mémoire ce texte magnifique d’Édouard Drumont :
Ce qui fait la plus-value de l’homme, c’est la diminution de la crainte. […] Le premier devoir pour un homme, c’est encore celui de subjuguer la Crainte. Il nous faut devenir francs de Crainte ; nous ne pouvons pas agir du tout jusqu’alors. Les actes d’un homme sont serviles, non vrais, mais spécieux ; ses pensées mêmes sont fausses, il pense aussi comme un esclave et un couard jusqu’à ce qu’il ait réussi à mettre la Crainte sous ses pieds. Pour un homme c’est une nécessité d’être, un devoir et une nécessité, d’être vaillant ; une nécessité de marcher en avant, et de s’acquitter en homme, s’en remettant imperturbablement à la désignation et au choix des Puissances d’en haut et, en résumé, de ne pas craindre du tout. Maintenant et toujours, le degré plus ou moins complet de sa victoire sur la Crainte déterminera en quelle mesure il est homme.
Ce texte, je l’ai lu pour la première fois en 1991 : depuis lors, il guide ma vie. Oui je crains. Cependant, je mets « ma crainte sous mes pieds ». Autrement dit, je la dompte pour éviter qu’elle ne m’empêche d’agir. Et pour y parvenir, je m’en remets « imperturbablement à la désignation et au choix des Puissances d’en Haut ». D’où le fait que j’invoque si souvent la Providence : je pense avoir été désigné pour mener ce combat et je le mènerai jusqu’au bout, quelle qu’en soit l’issue. Quand bien même me prouverait-on que le national-socialisme perdra encore une fois la partie, quand bien même m’annoncerait-on une extradition prochaine, je continuerais de la même façon. Car en combattant, on sème des graines. Certes, il se peut qu’elles ne germent pas au moment prévu. Peut-être ne germeront-elles que bien plus tard, quand on ne sera plus là, et pour quelques personnes seulement. Mais l’avenir ne nous appartient pas. Ce qui compte, c’est remplir sa mission. Dans un texte sacré de l’Inde, s’adressant au combattant, le Seigneur déclare :
Tu as le droit de remplir les devoirs qui t’échoient, mais pas de jouir du fruit de tes actes ; jamais ne crois être la cause des suites de l’action, et à aucun moment ne cherche à fuir ton devoir. […] Fais ton devoir, sans être lié ni par le succès ni par l’échec. Cette égalité d’âme, on l’appelle le Yoga.
En tant que combattant, j’obéis le mieux possible à cette injonction. Je combats ici et maintenant ; je laisse l’avenir au Créateur. Croyant en la multiplicité des existences, j’ai la conviction que mon obéissance me vaudra une prochaine vie encore meilleure, jusqu’à la libération finale. On peut certes en rire ; mais pour ma part, cette conviction me permet de dompter la crainte, donc d’agir en homme.