La raison profonde de l’apathie du peuple

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Dans cet article, Vincent Reynouard explique que l’apathie du peuple trouve sa source dans la définition révolutionnaire de la liberté. Puis il prévient que si cette définition viciée n’est pas remplacée par une autre conforme à l’ordre naturelle, la France continuera à s’enfoncer, sans jamais toucher le fond, car le transhumanisme et le génie génétique nous préparent encore bien des horreurs…


Dans son éditorial du 17 janvier, Jérôme Bourbon souligne que face à la promotion de l’homosexualité, de la GPA, du transsexualisme, de l’avortement et de l’euthanasie, « il n’y a pas, ou quasiment pas, de réaction de notre peuple, non plus que de ses représentants officiels ». Ce constat confirme ce que je soutiens depuis plus de vingt ans, à savoir que le peuple est complice du Système.

Je sais qu’au sein de nos milieux, cette analyse est décrié. Contre elle, deux arguments sont avancés:

  1. Il ne faut pas confondre la France légale et la France réelle: dans leur majorité, les Français condamnent ces déviances;
  2. Si cette opposition de la France réelle n’est pas entendue, c’est parce qu’aucun parti politique n’exprime publiquement cette opposition, mais il en allait autrement du temps de Jean-Marie Le Pen.

J’admets sans peine la validité de ces deux objections, mais elles ne dévoilent pas la cause profonde de l’apathie populaire. Or, c’est cette cause qu’il faut découvrir si l’on veut y remédier.

Une comdamantion sans effet des déviances

Certes, parmi les Français, beaucoup dénoncent les inversions qui rongent nos sociétés occidentales. Néanmoins, leur condamnation n’a aucune portée sociale, car très généralement, le discours est le suivant: « Pas de ça chez moi! Pour le reste, les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent: c’est leur vie, ça les regarde. » Leur opposition se borne donc à la sphère privée; elle ne dépasse pas le seuil de leur porte.

En effet, les Français ont adopté le principe révolutionnaire bien connu: « La liberté des uns s’arrête où comme celle des autres. » Autrement dit, la liberté consiste à faire ce que l’on veut tant que l’on ne nuit pas à autrui.

Cette doctrine présente la liberté comme potentiellement infinie; les limites qu’elle rencontre sont accidentelles, dues à la présence d’autrui. D’où le droit de faire ce que l’on veut chez soi.

Qui n’a jamais entendu déclarer: « Chacun peut avoir la sexualité qu’il veut, mais chez lui, pour ne pas créer de scandale public. » Avec ce discours, les conservateurs prétendent s’opposer aux « droits » des homosexuels, tout en respectant le principe révolutionnaire de la liberté.

Toutefois, c’est illusoire, car surgit lors le principe — révolutionnaire également — de l’égalité devant la loi: si les hétérosexuels peuvent se marier, s’afficher dans la rue et adopter des enfants, pourquoi les homosexuels ne le pourraient-ils pas? En quoi leur accorder ces droits vous nuirait-il ou attenterait-il à vos libertés? En rien: vous resterez libre de ne pas les recevoir chez vous. D’où ces droits accordés aux homosexuels sans que nos conservateurs puissent y faire quoi que ce soit.

Dès 1877, l’abbé de Salinis avait prévenu:

La logique des nations est aussi rigoureuse que la vérité de Dieu même. Un individu peut reculer devant des conséquences, la société, jamais.

Cet enseignement est capital lorsqu’il s’agit de l’avortement, de la GPA, de l’euthanasie ou déchargement de de sexe. Si chacun est « libre » d’y recourir, alors les structures adéquates doivent être prévues pour le permettre et s’assurer que le processus est diligemment réaliser. Sans elles, cette liberté serait illusoire. D’im la nécessaire, pour la société, de légiférer, ce qui porte ces questions dans le domaine public.

Ainsi, dire que les citoyens peuvent faire ce qu’ils veulent chez eux, tant qu’ils ne gênent pas les voisins, ouvre la porte à la reconnaissance publique de toutes les déviances, sans que l’on puisse s’y opposer. Voilà pourquoi l’opposition manifestée par de nombreuse personnes reste purement verbale: ayant adopté la définition révolutionnaire de la liberté et les deux premier mot du triptyque républicain « liberté, égalité fraternité », elles restent — par complicité — passives face à la décadence qui progresse.

Des partis politiques à l’image du peuple

Cela dit, j’en viens au silence des représentants du peuple et des partis politiques. Il est vrai que, du temps de Jean-Marie Le Pen, le défunt Front National aurait exprimé publiquement son désaccord avec cette évolution mortifère.

Toutefois, le 5 mai 2002, la Providence donna aux Français l’occasion d’élire Jean-Marie Le Pen à la présidence du pays. Aucun courage n’était nécessaire: dans le secret de l’isoloir, il suffisait de glisser un bulletin le Pen dans l’enveloppe et de la déposer dans l’urne. Or, les votants rejetèrent cette chante en plébiscitant Jacques Chirac, le président sortant le plus discréditer de la Ve République.

Supermenteur fut réélu avec 80% des suffrages exprimés. Cinq ans plus tard, les Français se précipitèrent aux urnes pour ne pas que se renouvelle le séisme politique du 20 avril 2002. Le message lancé ce 5 mai 2002 fut le suivant: « Plutôt escroc que facho. » Et fin ans plus tard, les votants ajoutèrent: « nous ne voulons que des candidats du Système. »

De façon logique, Marine Le Pen en tira les conséquences: elle renforça sa stratégie de « dédiabolisation » allant jusqu’à exclure son père et tuer le Front National en le rebaptisant. Nonobstant des échecs électoraux répétés, le Rassemblement national est aujourd’hui considéré comme le premier parti d’opposition en France. Le prix à payer fut un reniement des fondamentaux de la droite nationale, afin de plaire aux électeurs.

Malgré cela, Marine Le Pen est encore rejeté par de nombreux Français qui croient voir en elle une menace fascisante. Aussi la Providence a-t-elle suscité Eric Zemmour dont la judéité préserve — et encore — de l’accusation d’incarner une « menace brune ». Reconquête porte l’accent sur l’islamisation de la France.

Loin d’être les fruits d’un complot quelconque, les reniements de Marine Le Pen et l’irruption sur la scène politique d’Eric Zemmour sont les conséquences des messages très clairs envoyés par le peuple Français: « Nous ne voulons pas de la droite nationale authentique; nous voulons la république, la démocratie et les droits de l’homme. »

Contrairement à ce que de nombreux nationalistes croient, ce ne sont pas les partis qui orientent le peuple, mais le peuple qui suscite des partis — donc des élus et des dirigeants — à son image. Ayant adopté le triptyque « liberté, égalité, fraternité » avec tout ce que ce qu’il implique, les Français se sont dotés de représentants qui resteront passifs face à la progression alarmante de la décadence. C’était fatal.

Victime ou complice de la propagande?

Le deux objections lancée contre nom analyse se révèlent donc sans valeur. Reste un troisième, très répandue: « Le peuple n’est pas complice, il est victime de la propagande. »

Jeune militant, je l’ai cru; mais le révisionnisme m’a appris que, refusant tout idéologie d’ordre, les Français voulaient croire aux « chambres à gaz » afin de pouvoir lancer: « L’extrême droite, on sait où ça a mené. Plus jamais ça! »

L’étude de l’Occupation m’a en outre démontré que le peuple sait choisir sa propagande: à celles de Vichy et des autorités allemandes, pourtant largement diffusées, ils préféraient celles — interdites — de Moscou, Londres ou Washington, parce que déjà), il rejetait viscéralement les fascismes sous toutes leurs formes.

Je conseille la lecture d’un ouvrage que j’ai découvert en prison: Propagandes, de Jacques Ellul qui n’est pas un ami politique. Son exposé est passionnant. Il écrit:

Si la propagande réussit, c’est qu’elle répond chez l’individu à un besoin de propagande. On ne fait pas boire l’âne qui n’a pas soif. On ne peut saisir par la propagande celui qui n’a pas besoin de ce qu’elle lui apporte. Le propagandé n’est nullement innocent, il n’est pas simplement victime. Il appelle lui-même l’action psychologique, non seulement il s’y prête mais il y trouve satisfaction.

Certes, il est bien influencé, manié, mais il est parfaitement complice involontaire, inconscient de cette propagande […] Il n’y a pas un méchant propagandiste qui crée les moyens de posséder l’innocent citoyen. Il y a un citoyen qui appelle du fond de son être une propagande, et un propagandiste qui répond à cet appel1.

Plus ou moins consciemment, le Français est complice du Système et de sa propagande. Pour espérer en sortir, il faut remettre au goût du jour le vrai sens du mot liberté.

La liberté consiste à se conformer aux exigences de l’ordre naturel, reflet de l’ordre divin. Violer cet ordre, c’est être esclave de ses faiblesses et de ses péchés. Violer l’ordre naturel, ce n’est donc pas être libre, bien au contraire.

Tout part de l’erreur sur la notion de liberté. Tant qu’elle n’aura pas été corrigée, la France continuera à s’enfoncer, sans jamais toucher le fond, car le transhumanisme et le génie génétique nous préparent encore bien des horreurs.

Une liberté qui ne se goûte que dans la destruction

Certains me reprocheront un discours alarmiste infondé. Il n’en est rien. Dans son éditorial déjà cité, Jérôme Bourbon déplore avec raison: « À chaque fois, on croit avoir touché le fond. Mais non […] Aujourd’hui, tout passe, tout glisse, il n’y a plus aucune limite. Toutes les frontières sont franchies et dépassées. »

S’il en est ainsi, c’est parce que, comme nous l’avons vu, la liberté dans son sens révolutionnaire est potentiellement infinie. Rien ne doit donc la limiter, hormis d’un communs accord avec les autres, dans le cadres d’un contrat social.

Or, qu’est-ce qui limite la liberté sans que les citoyens ne puissent s’y opposer? L’ordre naturel, reflet de l’ordre divin. D’où ce laïcisme intransigeant qui évacue Dieu du domaine public en le rejetant dans la sphère privée.

Toutefois, en évacuant Dieu, la société moderne considère un Homme privé de ses fins dernières. Par conséquent, la vie du citoyen contemporain se construit et s’organise sans but véritable. Néanmoins, l’être humain ne peut vivre sans but. Alors il s’en trouve un, le plus immédiat: accéder au bonheur matériel, en commençant par la satisfaction de ses besoins primaires.

Au XIXe siècle, on a cru que la société techno-industrielle permettrait d’atteindre cet objectif, mais il a fallu déchanter. En 1995, Théodore Kaczynski — dit « Unabomber » – commença son manifeste en constatant:

La révolution industrielle a entraîné des conséquences désastreuses pour l’Humanité. Si elle a significativement augmenté l’espérance de vie au sein des pays « développés », elle a également perturbé le fonctionnement social, privé l’existence de son sens, humilié l’Homme, favorisé la souffrance psychologique tout azimut (doublé d’une souffrance physique dans le Tiers-Monde) et gravement porté atteinte à la nature2.

Plus loin, il précise:

À bien des égards, l’Homme moderne est ligoté par un réseau de règles et de règlements (explicites ou implicites) qui contrarient nombre de ses aspirations3.

Il souligne que, certes:

La société moderne est, à d’autres égards, extrêmement permissive. Dans les domaine sans rapport avec le fonctionnellement su système, nous pouvons généralement faire ce que nous voulons. Nous pouvons adopter n’importe quelle foi (tant qu’elle n’encourage pas un comportement dangereux pour le système). Nous pouvons coucher avec qui nous voulons (tant que nous nous protégeons). Bref, nous pouvons faire tout ce que nous voulons, tant que ce n’est pas important. Pour toutes les questions importantes, le système règlemente chaque jour un peu plus notre comportement4.

Pour tenter d’échapper à cette vie morne, sans but ni contraire, l’Homme se divertit. D’où cette société des loisirs, des passe-temps et des distractions multiples, que T. Kaczynski appelle « activités de substitutions ».

Toutefois, ces activités sont incapables de combler un vide intérieur d’origine spirituel:

La meilleure preuve en est que, dans de nombreux cas (ou même la plupart des cas), les personnes qui sont profondément impliquées dans des activités de substitution ne sont jamais satisfaites ni en repos. Ainsi, l’homme d’affaires s’efforce de s’enrichir toujours plus. Le scientifique résout à peine un problème qu’il passe au suivant. Le coureur de fond s’exerce à courir toujours plus loin et plus vite5.

Le drame de nos sociétés modernes est leur incapacité à donner à leur citoyens des valeurs authentiques, c’est-à-dire des idéaux véritables. Toutefois, Jacques Ellul prévient:

L’impuissance à créer des valeurs se double invariablement du refus d’affronter la réalité telle qu’elle est[efn_notre]Jacques Ellul, La subversion du christianisme (Paris : la Table ronde, 2001), p. 214.[/efn_note].

D’où cette appétence pour toutes les transgressions possibles, provoquant un franchissement et un dépassement de toutes les frontières.

Ce renversement des toutes les digues permet à l’Homme moderne d’éprouver l’infini de la liberté telle qu’il la conçoit. Aussi n’est-il pas téméraire de craindre que l’évolution des techniques, avec les implants et les modifications génétiques, conduira à des horreurs épouvantables: chimères, êtres « augmentés », hybridations en tous genres.

L’effondrement final

Souvenez-vous de l’avertissement de l’abbé de Salines, et gardez également en mémoire cet autre de Jacques Ellul: « Puisqu’une technique existe, il faut l’appliquer.6« 

Dans la société matérialiste où nous vivons, toutes les barrières sont destinées à être renversées et tous les fondements sapés jusqu’à l’effondrement final.

Le système techno-industriel ne peut pas être réformé: il doit s’effondrer d’une manière ou d’une autre. La solution n’est plus politique; elle sera bien plus tragique.