Les « bons » ne commettent pas de crime, seulement des « fautes » dues à la guerre (1/2)

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L’affaire peut paraître anecdotique, mais elle est révélatrice d’un état d’esprit encore répandu. En mai dernier, la presse a rapporté le témoignage tardif d’un ancien maquisard corrézien âgé de 98 ans, Edmond Réveil.

Le 12 juin 1944, lui et ses compagnons ont tué 47 soldats allemands prisonniers ainsi qu’une Française qui travaillait pour l’Occupant. E. Réveil confesse: « c’était une faute de tuer comme ça des prisonniers de guerre1. »

Faute ou crime ? Ça dépend de la victime (ou du bourreau).

Des mots qui masquent mal une réalité criminelle

Une « faute »? Pardon: un crime! Un crime de guerre si l’on considère les maquisards comme ayant été des combattants légaux; un crime de droit commun si on leur dénie toute légitimité.

D’ailleurs, à supposer qu’il se soit agi d’une simple « faute », l’affaire aurait été dévoilée depuis bien longtemps. Le journaliste de Sud-Ouest qui rapporte l’information écrit:

Ce douloureux souvenir aurait pu être révélé bien plus tôt, dès 1967. Cette année-là, onze corps ont été exhumés à quelques mètres du lieu aujourd’hui indiqué par Edmond Réveil2.

Dès lors, pourquoi le secret a-t-il été préservé? Parce que tout a été occulté:

il n’y a aucune trace de cette exhumation, ni dans les archives municipales ni dans la presse de l’époque, pas plus que de détails sur l’exécution3.

Cette décision de tout cacher démontre que, dans l’esprit des gens informés, il s’agissait d’un crime inexcusable.

Sachant, toutefois, que cette conclusion ne saurait être formulée, le journaliste avance une autre explication:

Dans les années 1960, le sujet était encore sensible sur ce territoire limousin, marqué par la pendaison de 99 habitants de Tulle et le massacre de 643 personnes par les Allemands à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 19444.

Cette interprétation est inepte: en quoi ces deux tragédies empêchaient-elles de révéler l’assassinat de 47 soldats allemands et d’une collaboratrice?

Écrire une légende dorée sur une réalité sanguinolente

Ainsi, loin de justifier le silence observé, la raison invoquée résonne comme un aveu: à partir de 1944, acteurs et historiens ont tu les crimes commis par la Résistance, non seulement pour forger une légende dorée, mais aussi pour présenter l’Occupant comme un « barbare » qui aurait frappé arbitrairement par sadisme et par goût du sang.

Or, je rappelle qu’à Tulle, les Allemands ont pendu 99 personnes en représailles de l’assassinat bestial de plusieurs dizaines de soldats de la Wehrmacht. Les victimes avaient été découvertes atrocement mutilées5.

On pourrait multiplier les exemples: des maquisards organisaient des attentats sanglants, ils tuaient des policiers, des collaborateurs, des membres de la milice, du PPF, du RNP, des journalistes, etc.

Parfois, ils s’en prenaient aux épouses ou aux parents. J’ai consacré une vidéo à ce sujet. Aujourd’hui, toutes ces victimes sont oubliées, aucune cérémonie n’est organisée en leur mémoire.

La Résistance et ses héritiers idéologiques n’ont cessé de travestir l’Histoire en taisant les faits gênants et en propagent des contre-vérités.

Quant à la tragédie d’Oradour, l’histoire vraie reste cachée au public. Sachant que pendant 79 ans, et malgré des exhumations qui avaient confirmé les faits, l’assassinat de 47 soldats allemands et une collaboratrice fut dissimulé, les cachotteries constatées dans l’affaire du « village martyr » ne me surprennent pas.

La Résistance et ses héritiers idéologiques n’ont cessé de travestir l’Histoire en taisant les faits gênants et en propagent des contre-vérités.

Un exemple tiré de la tragédie d’Oradour

Pour Oradour, un exemple frappant d’occultation mérite d’être mentionné. Dans mon ouvrage paru en 1997, j’avais, le premier, révélé qu’un réseau d’évasion de pilotes alliés tombés en France et en Belgique passait par le village. Je m’appuyais sur les renseignements exclusifs recueillis auprès d’un ancien pilote de la RAF, Len Cotton6.

Quatre ans plus tard, le concepteur du Centre de la Mémoire d’Oradour, Jean-Jacques Fouché, publia un livre consacré à la tragédie. Si j’avais été abusé par un affabulateur, J.-J. Fouché en aurait profité pour me discréditer. Si, en revanche, j’avais dit vrai, alors il aurait dû confirmer l’existence de ce réseau d’évasion passant par Oradour.

J.-J. Fouché avait eu accès aux archives militaires et devait donc connaître la vérité. Or, dans son ouvrage, il garda un silence complet sur cette affaire7. De façon évidente, le concepteur du Centre de la Mémoire avait jugé ce fait très gênant pour la thèse officielle. Aussi l’avait-il occulté.

Les « bons » doivent être présentés comme innocents de tout crime et ne portant aucune responsabilité dans les tragédies.

À mon procès, en 2003, le Tribunal limougeaud écarta le témoignage de Len Cotton, parce qu’il n’avait aucune garantie d’authenticité. Il fallut attendre une dizaine d’années pour qu’enfin, les historiens reconnaissent la présence d’un réseau d’évasion à Oradour8.

Toutefois, le grand public l’ignore: à la connaissance, le Centre de la Mémoire omet encore aujourd’hui de mentionner ce fait. Je ne l’ai pas relevé non plus dans le site de l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane.

Quant à l’existence d’un maquis armé dans le village, maquis ayant organisé un dépôt clandestin de munitions sous les combles de l’église, les historiens accrédités persistent à la nier, car aujourd’hui encore, les « bons » doivent être présentés comme innocents de tout crime et ne portant aucune responsabilité dans les tragédies. L’affaire des 47 soldats allemands assassinés avec une collaboratrice démontre ce fait une fois de plus.

« C’est pas marrant… » À qui le dites-vous?

Edmond Réveil prétend justifier les maquisards en expliquant: « On ne savait pas quoi en faire […] On n’avait pas prévu le ravitaillement, toute l’intendance. Il fallait les nourrir, les surveiller9. » D’où la décision prise « de les exécuter ».

Ah! Si ces Boches avaient accepté de manger des pissenlits et s’étaient enchaînés eux-mêmes avant de jeter la clé au loin, rien de tout cela ne serait arrivé!

L’ancien maquisard ajoute: « C’est pas marrant, vous savez, de fusiller quelqu’un…10« 

Pauvres maquisards! C’est eux qu’il faut plaindre. À aucun moment, le journaliste n’objecte que si « c’est pas marrant » de fusiller quelqu’un, c’est encore moins « marrant » d’être fusillé sans procès, après avoir été contraint de creuser sa propre tombe.

L’éternel deux-poids-deux-mesures

Barbarie chez les uns, acte de guerre regrettable chez les autres

Non seulement le journaliste de Sud-Ouest ne plaint pas les victimes, mais il ne parle jamais d’assassinat; il parle seulement d’exécutions, comme s’il s’était agi de personnes condamnées à mort par un tribunal11.

Certes, écrit-il, le massacre a été une « atroce exécution »12, mais les maquisards ne sont pas coupables de cette atrocité; la seule coupable, c’est la guerre.

Quand un « nazi » tue, c’est parce qu’il est un barbare avide de sang; quand un « bon » tue, c’est parce qu’il a été entraîné malgré lui dans la guerre.

En effet, l’article ne dit pas qu’Edmot Réveil aurait confessé un crime qui le hantait; l’ancien maquisard, lit-on, « a révélé des atrocités de la guerre qui lui pesaient sur la conscience13« .

Bref: quand un « nazi » tue, c’est parce qu’il est un barbare avide de sang; quand un « bon » tue, c’est parce qu’il a été entraîné malgré lui dans la guerre.

Un civil tué par un Allemand? « C’est la barbarie nazie! »; un civil tué par un maquisard français ou un pilote allié? « Que voulez-vous? La guerre est atroce. Hitler n’avait qu’à ne pas la déclencher. »

Tel est le deux-poids-deux-mesures pratiqué depuis 1944, afin d’éduquer les peuples.

Hiroshima et Oradour: si loin, si proche

À ce sujet, la destruction d’Hiroshima et de Nagasaki doit être rappelée. « Certes, nous dit-on en soupirant, ce fut terrible, mais les Américains en ont été réduits à cette extrémité pour tétaniser les Japonais, afin qu’ils cessent une guerre dont ils portaient l’entière responsabilité. »

Admettons un instant cette explication. Toutefois, si l’on en croit l’Histoire officielle, à Oradour, la motivation des Waffen SS aurait été identique à celle des Américains à Hiroshima et Nagasaki: détruite un village pour tétaniser la Résistance, afin qu’elle cesse la guérilla qu’elle avait commencée.

Si l’on en croit l’Histoire officielle, à Oradour, la motivation des Waffen SS aurait été identique à celle des Américains à Hiroshima et Nagasaki. Dès lors, pourquoi ce traitement si différent?

Dès lors, pourquoi ce traitement si différent? Pourquoi ce qui est considéré, chez les Allemands, comme une manifestation de « barbarie » est-il présenté, chez les Américains, comme un acte de guerre regrettable non susceptible d’amener à la sanction de ses auteurs ni à la condamnation du régime politique qui l’a décidé?

« C’est sans rapport, rétorqueront certains. Les nazis ont commis des Oradour partout, preuve qu’il s’agissait d’un système. » Ah? Mais que ce soit à l’uranium, au plutonium, au phosphore, ou au TNT, les Alliés n’ont-ils pas bombardé systématiquement les villes ennemies? N’ont pas eux-mêmes commencé à bombarder des objectifs civils?14

Hiroshima et Nagasaki ne furent pas des accidents, mais le point d’orgue d’une stratégie minutieusement planifiée et méthodiquement appliquée, une stratégie criminelle qui consistait à favoriser la victoire en assassinant les civils du camp adverse.

La résistance à outrance est licite; le massacre de civils ne l’est jamais

Ici, mon contradicteur pourrait sourire et me remercier de lui avoir offert son ultime argument: « En frappant Hiroshima et Nagasaki, les Américains voulaient écourter une guerre déjà virtuellement perdue par les Japonais. La bombe atomique a permis d’éviter une résistance à outrance nipponne qui aurait inutilement coûté la vie de millions de soldats, sans compter les civils. »

Cet argument, je l’ai lu et entendu à de multiples reprises. Beaucoup le croient donné et définitif: en tuant des dizaines de milliers de femmes, d’enfants et de vieillards, les Américains ont préservé la vie de millions d’hommes, parmi lesquels de nombreux pères de famille…

Toutefois, ce raisonnement n’impressionnera pas celui qui connaît le Droit international, dont l’objectif est de moraliser la guerre. En effet, depuis quand est-il permis d’écourter une guerre en massacrant les civils du camp adverse? En quoi la résistance à outrance aurait-elle autorisé le camp d’en face à raser des villes entières?

La résistance à outrance était (et demeure) une stratégie licite. Certes, celui qui la pratique sait qu’il a perdu la guerre, mais il espère que, s’apercevant du prix très lourd à payer pour obtenir une victoire totale, son ennemi préférera négocier une paix. Bien entendu, cette paix sera en faveur de l’adversaire virtuellement vainqueur, mais le vaincu pourra espérer sauver ce qui peut l’être.

Tel est l’objectif parfaitement licite de la résistance à outrance. Si l’ennemi veut la briser, il doit y parvenir avec ses soldats, en combattant selon les règles de la guerre, et non en massacrant des femmes et des enfants.

En vitrifiant Hiroshima et Nagasaki, les Américains se sont rendus coupables de deux crimes de guerre sans précédent dans l’Histoire.

La guerre juste n’existe pas en Droit international

« Peut-être, me répondra-t-on, mais si le Japon n’avait pas agressé les États-Unis après avoir envahi la Chine, rien de cela ne serait arrivé. Les Américains menaient une guerre juste contre un empire impérialiste. »

Encore faudrait-il savoir pourquoi le Japon a débarqué en Chine et pourquoi il a bombardé Pearl Harbor. Les révélations du procès de Tokyo et le journal du général Tojo démontrent que les Japonais estimaient mener une guerre de légitime défense15.

C’est toujours la même chose: chaque camp prétend que sa cause est juste contre un ennemi injuste. Voilà pourquoi le Droit international ignore la notion de guerre juste: dans un conflit armé, tous les belligérants doivent respecter les conventions qu’ils ont signées.

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