Peter Rushton: « L’affaire Reynouard en suspens » (3/3)

⏳ Temps de lecture: 4 minutes

Le réquisitoire du procureur

Dans son réquisitoire, le substitut du procureur Paul Harvey affirma que les vidéos de Vincent répondaient bien à la description de ce qui constitue une infraction au regard de la section 127, et que, dès lors, le tribunal devait reconnaître l’inculpé coupable de trouble à l’ordre public ou de conduite grossièrement outrageante, voire des deux.

Monsieur Harvey invita le juge à considérer les paroles de Vincent dans l’une des vidéos où ce dernier déclare qu’ »il existe un problème juif » et qu’il poussera « plus loin » qu’Adolf Hitler son analyse du problème. « Certes, les Juifs exploitent la situation pour nous dominer, voire nous asservir. »

Le procureur qualifia ces propos d’ « antisémitisme le plus consternant » et demanda dès lors que le juge considère toutes les vidéos citées dans le mandat d’arrêt français comme « antisémites ».

Interrogé par le juge à ce sujet, Monsieur Harvey expliqua (dans ses conclusions soumises au tribunal) que chaque vidéo devait être, d’une part, regardée comme un trouble à l’ordre public distinct, mais également, d’autre part, interprété dans leur ensemble comme révélatrice de la « ligne de conduite » de Vincent.

Le simple fait que le Royaume-Uni ne soit doté d’aucune loi réprimant le « négationniste » ne suffit pas à acquitter l’inculpé: Monsieur Harvey fit valoir que les « thèses négationnistes », telles qu’elles sont exposées par Vincent, pouvait constituer une infraction aussi bien d’après aux yeux de loi britannique que de la loi française.

S’appuyant sur le cas du supporteur du Rangers FC William Kilpatrick qui avait publié sur Facebook un billet invitant à envoyer « des bombes et des bombes » au gérant du Celtic FC Neil Lennon, le procureur argua que, d’après la loi écossaise, quand il s’agit de juger si certains propos constituent ou non un trouble à l’ordre public, il n’est pas nécessairement pertinent de prouver que l’inculpé a projeté ou incité à une action particulière.

M. Harvey assura que certains propos de Vincent auraient raisonnablement pu conduire à une inculpation pour trouble à l’ordre public selon la loi écossaise, car ils avaient été soigneusement choisis dans le but de provoquer des désordres dans la société.

En fait, M. Harvey argua que les propos de Vincent constituaient potentiellement une infraction plus grave qu’un trouble à l’ordre public dans un stade de football, car ils peuvent être entendus sur Internet n’importe quand et n’importe où en Écosse. Selon l’Accusation, il n’est pas nécessaire de prouver que le prévenu à inciter à une action répréhensible particulière.

M. Harvey ajouta que les « crimes » de Vincent devaient être considérés dans le contexte culturel très différent qu’est celui de la France, et le grave danger que pose « l’incitation à l’antisémitisme ». Le procureur argua que, tandis que les propos de Vincent pourraient faire l’objet de poursuite en Écosse, le tribunal doit garder à l’esprit que dans le contexte français, ces propos sont encore bien plus graves.

Sans surprise, M. Harvey rejeta l’argument de la Défense selon lequel les propos de Vincent relevaient du discours calme et universitaire. Le procureur affirma qu’ils étaient comparables à ceux de l’affaire Chabloz, où il a été institué qu’une fois les motifs antisémites établis, la promotion des « thèses négationnistes » deviennent ipso facto grossièrement offensante.

Le procureur reconnut qu’aux yeux de la loi britannique, le « négationniste » n’est pas nécessairement répréhensible, mais il maintint que dans l’affaire de Vincent comme dans le cas Chabloz, nier l’Holocauste équivaut à une conduite grossièrement outrageante et est, de ce fait, condamnable en vertu de la section 127.

Quant au principe de proportionnalité de la peine à l’infraction, le procureur déclara que le juge devrait l’appliquer très prudemment. Contrairement à des affaires de vols ou de drogues, la conduite délictueuse de Vincent est très ancrée dans son contexte, et la peine proportionnée peut différer énormément entre la France et l’Écosse. Dès lors, le juge devrait « prendre en compte dans leur juste proportionnalité » les circonstances françaises liées à cette affaire, et même le « contexte racial » actuel de la France, qui explique pourquoi un tribunal français « est en droit de prendre une peine sévère dans une affaire telle que celle-ci ».

Du fait du casier judiciaire chargé de Vincent et de ces multiples récidives, le procureur indiqua qu’une peine de prison ferme en France n’était pas seulement possible, mais très probable: « Je vous conseille vivement de vous montrer respectueux à l’égard de la France et de ses traditions propres. »

Conclusion de l’audience

À la fin de l’audience, Maître Mackintosh répondit brièvement au procureur en expliquant que, si le juge acceptait l’argumentaire de l’accusation, cela reviendrait à dire que tout propos « racistes » sur Facebook ou YouTube, quel que soit le contexte, constituerait un trouble à l’ordre public. Il conseilla donc instamment le juge de rejeter cette argumentation et de reconnaître que le « négationnisme », dès lors qu’il est exposé tel que Vincent le fait, n’est pas une infraction en Écosse — ni un trouble à l’ordre public ni une conduite grossièrement outrageante.

Le juge communiqua son intention de lire tous les documents et de considérer chacun des argumentaires avec attention. Dès lors, il annonça qu’il rendrait son jugement le 12 octobre.

Les enjeux pour Vincent et le Royaume-Uni

Il est clair que le cas de Vincent Reynouard s’est mué en épreuve cruciale pour la liberté d’expression au Royaume-Uni: le pays se trouve aujourd’hui à la croisée de chemin, avec le possible choix de criminaliser subrepticement le révisionnisme historique, sans qu’aucun débat honnête et ouvert n’ait lieu au Parlement.