Pourquoi je suis judéo-indifférent. 2: Les charmes du veau d’or sont universels

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Dans ce deuxième article de sa série Pourquoi je suis judéo-indifférent, Vincent Reynouard explique que dénoncer les symptômes des maux qui rongent notre société — dans le cadre de cette série, il s’agirait des Juifs — est non seulement inutile, mais même contre-productif, car cela nous distrait de la recherche des causes profondes de notre décadence.


Pour lire la première partie de cette série, veuillez cliquer ici.

Le concours lancé en 1895 par Édouard Drumont

Voilà pourquoi je l’affirme: dénoncer les Juifs, les francs-maçons, les mondialistes, les féministes, les gauchistes, qui sais-je encore, est absolument inutile si, d’abord, on ne cherche pas à se réformer. D’où mon indifférence à l’égard de la question juive: la cause instrumentale ne m’intéresse pas.

À ce sujet, je rappelle que le 22 octobre 1895, dans son journal La Libre Parole, Édouard Drumont lança un concours qui avait pour thème: « Des moyens pratiques d’arriver à l’anéantissement de la puissance juive en France. (Le danger juif étant considéré au point de vue de la race et non au point de vue religieux)1. » Les manuscrits devaient parvenir avant le 1er mai 1896.

Drumont précisait que si un Juif non lié à la haute finance souhaitait faire partie du jury, il serait le bienvenu. Bernard Lazare accepta en écrivant la lettre suivante:

Portrait d'Édoard Drumont
Édouard Drumont

Jusqu’à présent j’avais toujours reproché à l’Antisémitisme de ne donner aucune solution à la question qu’il avait soulevée. À plusieurs reprises même, j’ai demandé, soit à vous, soit aux vôtres quelles mesures vous préconisiez pour échapper à ce que vous nommez la domination juive, à ce que j’appelle la tyrannie du capital qui n’est pas spécialement juif, mais universel.

Je n’ai jamais obtenu de réponse. Le concours que vous ouvrez satisfera, je l’espère, ma curiosité, et me fixera sans doute sur la doctrine antisémite. Voulez-vous me permettre de faire partie du jury? Vous pouvez être assuré de mon absolue impartialité, quoique d’avance, je trouve que la seule mesure logique serait le massacre, une nouvelle Saint-Barthélemy2.

Notons en passant que cette lettre vaudrait aujourd’hui à Bernard Lazare d’être poursuivi pour « incitation à la violence ».

Banquiers gênois au travail
Banquiers génois au travail. En haut: les banquiers comptent l’argent et le placent dans un coffre. En bas: les banquiers prennent note d’une transaction et vérifient les comptes. Illustration tirée de De Septem Vitis (XIVe siècle)

Des chrétiens au sein du monde capitaliste

Quoi qu’il en soit, Bernard Lazare avait raison: loin d’être un phénomène juif, le capitalisme était universel. Pour la France, par exemple, l’auteur d’une thèse sur la question expliqua:

Cette volatilisation de la richesse, elle commence à l’aube du XIIIe siècle, elle va causer l’avènement des pouvoirs et des classes qui manipulent l’argent, le Juif, le Lombard, l’ordre du Temple qui constitua la première grande banque internationale de dépôts, puis la royauté, enfin la grosse bourgeoisie des changeurs et des marchands, le patriciat urbain3.

Dès le début, donc, les Juifs argentiers se trouvèrent mélangés à de très nombreux chrétiens. Les siècles suivants confirmèrent cette tendance.

En mai 1895, s’exprimant à la tribune de la Chambre des députés, Alfred Naquet souligna:

La société capitaliste […] s’est produite avec les races, les classes d’hommes, les langues les plus diverses; elle s’est produite même presque au même instant sur tous les points du globe […]

Ainsi, par exemple, en Amérique, est-ce que les Vanderbilt, les Jay Gould, les Astor, les Mackay, les Sage, les Pullmann, les Carnegie, les Griffith sont juifs? Ils sont tous protestants ou catholiques; il n’y en a pas un seul qui soit juif […]

Et en France, y a-t-il beaucoup de capitalistes juifs? Peut-être, si on voulait se placer non pas à un point de vue absolu, mais à un point de vue relatif, en faisant la proportion du nombre des juifs et du capital juif d’un côté, et la proportion du nombre de chrétiens et du capital chrétien de l’autre, peut-être pourrait-on trouver que le capital juif est relativement supérieur au capital chrétien, et encore je n’en sais rien; on pourrait peut-être le prouver également pour le capital protestant par rapport au capital catholique. C’est possible; mais, au point de vue absolu, c’est complètement faux.

Portrait d'Alfred Naquet
Alfred Naquet

Il y a, il est vrai, un fait qui donne le change: une grande maison de banque, la maison Rothschild, est juive. C’est un fait de hasard. Elle aurait pu être catholique comme d’autres; mais les Pillet-Will, les Mallet, les Lebaudy, les Vernhes, les Hottinger, sont-ils juifs? Non. Est-ce que les grands établissements de crédit comme le Crédit Lyonnais, la Société Générale, le Crédit industriel, le Comptoir d’escompte sont juifs ? Est-ce que les grands magasins […] sont juifs? Est-ce que Mme Boucicaut [veuve du fondateur du premier grand magasin à Paris: Le Bon Marché] était juive? Est-ce que notre collègue M. Jaluzot est Juif? […] Est-ce que le propriétaire du bazar de l’Hôtel-de-Ville est juif?

Et les grandes installations minières d’Anzin sont-elles aux mains des juifs? Est-ce que Montceau-les-Mines, Carmaux, Fives-Lille, Le Creusot, les Forges et chantiers de la Méditerranée, sont aux mains des juifs? Est-ce que les grands raffineurs Say et Sommiez sont juifs? Non, messieurs. La partie la plus importante du capital français est entre les mains des chrétiens, soyez-en parfaitement convaincus4.

Alfred Naquet disait vrai: au sein des milieux capitalistes modernes, de très nombreux chrétiens côtoyaient les Juifs. Dans leur immense majorité, les uns et les autres n’aspiraient qu’à une chose: réussir socialement, conquérir des marchés et amasser de l’argent.

Pour ces Juifs et ces chrétiens, l’horizon se bornait à la réussite matérielle. « Il est des capitalistes juifs auxquels le veau d’or fait presque toujours oublier leur Dieu », écrivit en 1935 leur coreligionnaire Pierre Paraf5. Il en allait de même chez de très nombreux chrétiens du XIXe siècle, en particulier au sein de la bourgeoisie.

Sur les origines du capitalisme en Europe

Ceux qui voudraient en savoir plus sur les origines du capitalisme en Europe peuvent se reporter à la vidéo Ne pas se tromper d’ennemi: bilan d’une vie de militantisme de V. Reynouard, dont la partie « 1.6: Le pouvoir juif: un autre symptôme » ( 19min 19s – 23min 54s) traite de cette question. Cette vidéo est accessible à cette page du site Archive.org.

(À suivre)